Le président Barack Obama, fervent partisan de cet accord de libre-échange signé en 2015 par 12 pays de la région après des années de laborieuses négociations, est arrivé vendredi soir au Pérou pour participer à la réunion annuelle de l'Organisation de coopération économique Asie-Pacifique (Apec) dans un climat de morosité et d'incertitudes.
Mais il n'a plus les cartes en main: il rendra le pouvoir le 20 janvier, et le dernier voyage à l'étranger de sa présidence aura un goût amer d'échec.
Les 21 économies de l'Apec, qui représentent 60% du commerce mondial et 40% de sa population, sont bien décidées à poursuivre leur intégration économique en levant les barrières commerciales, avec ou sans les Etats-Unis.
Quitte à se ranger sous la bannière de la Chine. Exclu du TPP, Pékin est prêt à prendre sa revanche en assumant seul le leadership d'une mondialisation de plus en plus contestée aux Etats-Unis et en Europe.
Barack Obama aura un entretien bilatéral samedi avec le président chinois Xi Xinping, dont l'intervention dans la matinée est très attendue.
"Les dirigeants de l'Apec vont s'accorder dimanche sur une déclaration claire" en faveur du libre-échange, a souligné vendredi le Premier ministre péruvien Fernando Zavala.
"Le TPP regroupe 11 autres économies (Australie, Brunei, Canada, Chili, Japon, Malaisie, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapour, et Vietnam, NDLR). Tant mieux si les Etats-Unis en sont. Sinon, les autres membres ont l'intention d'aller de l'avant", a-t-il ajouté.
Le Japon et le Pérou se sont engagés vendredi à Lima à oeuvrer "pour l'approbation dans les plus brefs délais du TPP", qu'ils considèrent comme "commercialement et géopolitiquement significatif pour la stabilité et la prospérité de la région".
- Des promesses aux actes -
La Chine se replace au centre de l'échiquier pour relancer son projet de Zone de libre-échange Asie-Pacifique (FTAAP), qui rassemblerait les pays membres de l'Apec.
Pékin porte aussi le RCEP, projet d'accord de libre-échange entre l'Asean (Association des nations du sud-est asiatique), l'Australie, la Chine et l'Inde notamment, mais sans les États-Unis.
"Le TPP n'est évidemment pas la seule option sur la table", a admis à Lima le représentant américain au Commerce, Michael Froman, avertissant du "sérieux coût géostratégique et économique" d'une éventuelle mise sur la touche de Washington.
Ce responsable démocrate a cité une récente étude qui suggère qu'un échec du TPP, dont la ratification dépend du Congrès à majorité républicaine, ferait perdre aux Etats-Unis 94 milliards de dollars sur une seule année.
Donald Trump a fustigé pendant sa campagne électorale le "terrible" accord TPP et promis à son électorat populaire un tour de vis protectionniste pour protéger les emplois américains contre la concurrence de la Chine ou du Mexique.
"Les mondialistes ont détruit la classe ouvrière américaine et ont créé une classe moyenne en Asie", a lancé vendredi à Washington Steve Bannon, nouveau conseiller en stratégie du président élu.
"La question maintenant concerne les Américains qui essaient de ne pas se faire niquer", a ajouté cet apôtre controversé du "nationalisme économique".
Mais certains à Washington s'accrochent à l'espoir qu'une fois installé à la Maison Blanche, le milliardaire renouera avec son pragmatisme d'homme d'affaires.
Des alliés de Trump au Congrès, ainsi que son vice-président élu Mike Pence, ont exprimé leur soutien au TPP. Certains envisagent la réouverture de négociations qui permettraient au président élu de se targuer auprès de son électorat d'avoir amélioré le TPP en faveur des Etats-Unis.
"Je crois que les Chinois parviendront à un accord avec la nouvelle administration américaine", confie à l'AFP Ulises Granados, coordinateur du programme d'études Asie-Pacifique de l'université mexicaine ITAM.
"Trump est un businessman. Il y a trop d'intérêts en jeu, économiques et géopolitiques, pour empêcher le déclenchement d'une guerre commerciale et monétaire", argumente-t-il.
Le chinois Ning Gaoning, patron du groupe étatique de chimie Sinochem, et co-dirigeant d'un groupe de travail de l'Apec, abonde : "Les Etats-Unis ont promu le libre-échange pendant des décennies. Je ne crois pas à un recul majeur dans ce domaine".
"Il y a une différence entre les promesses électorales et les actes. Je crois qu'il veut relancer la croissance, pas détruire l'économie américaine. Vous imaginez, s'il impose des tarifs douaniers sur les produits chinois? Que ferait la Chine? Cela conduirait à une situation complètement folle qui déstabiliserait le monde entier", prédit-il.
Avec AFP