Quelques heures après la mise à l'écart de la présidente Dilma Rousseff, un aspect a sauté aux yeux lors de la cérémonie télévisée de présentation des 24 ministres rassemblés autour de M. Temer: il n'y avait que des hommes.
Et cette nouvelle équipe marque une rupture d'autant plus frappante qu'elle succède à celle de la première femme élue présidente du Brésil.
"C'est un gouvernement d'hommes blancs et assez effrayant", estime Ivar Hartmann, spécialiste de droit civil au centre d'analyses de la Fondation Getulio Vargas. "C'est la première fois depuis la dictature (1964-1985) qu'il n'y a pas une seule femme au gouvernement. C'est inquiétant".
Sous la dictature militaire, il faut même remonter à la présidence d'Ernesto Geisel, de 1974 à 1979, pour trouver trace d'un gouvernement entièrement masculin.
"Nous avons essayé de trouver des femmes mais, en raison du calendrier resserré, ça n'a pas été possible", a expliqué vendredi un nouveau ministre, Eliseu Padilha. "A une fonction très importante, directeur de cabinet du président, il y a une femme", a-t-il cependant relevé, promettant aussi la nomination de "femmes secrétaires d'Etat, qui auront des attributions de ministres".
M. Temer a déclaré dans son premier discours à la nation qu'il était "urgent d'unifier le Brésil". Mais l'absence de femmes au gouvernement a d'emblée insinué un certain scepticisme.
De 15 femmes à aucune
"Ça montre l'illégitimité de ce gouvernement. Ça montre qu'il ne représente pas le peuple", a estimé Raquel Vasconcelos de Castro, étudiante de 19 ans qui participait à une petite mais bruyante manifestation devant le palais présidentiel à l'arrivée de M. Temer.
Dilma Rousseff avait nommé 15 ministres femmes depuis 2011. Luiz Inacio Lula da Silva, son prédécesseur et mentor au sein du Parti des travailleurs (PT, gauche), en avait compté 11 (2003-2010).
Parmi les ministres de la présidente se trouvait Nilma Lino Gomes, première femme noire à diriger une université fédérale, devenue ministre des Femmes, des Droits de l'homme et de l'Egalité raciale. Un ministère supprimé par M. Temer.
Mme Rousseff (68 ans), sans être perçue comme une leader féministe, a fait adopter des lois contre les violences faites aux femmes et a souvent insisté sur le fait qu'elle pouvait inspirer et donner de l'espoir à ses congénères en tant que femme qui a réussi.
"La question du genre est une question de démocratie dans un pays où les femmes sont majoritaires, il y a un problème de représentativité", a-t-elle dit vendredi lors de sa première prise de parole depuis l'installation du gouvernement Temer.
"Belle, discrète et au foyer"
Une autre manifestante pro-Rousseff pointe l'influence du puissant lobby "BBB" (bible, agro-industrie et armes) et du courant évangélique. "Ils ne veulent pas de femmes émancipées, ils ne respectent pas les femmes et maintenant on ne sait pas à quoi s'attendre", avance Ana Paula Faria, fonctionnaire de 43 ans.
La campagne menée par l'opposition, pour procéder à la destitution de Mme Rousseff, accusée de manoeuvres fiscales pour masquer l'ampleur des déficits publics, a parfois pris des accents sexistes, estiment ses soutiens.
Certains ont ainsi décelé une tonalité paternaliste dans le slogan "Ciao, ma chère!" matraqué par les députés pro-destitution, qui ironisaient sur l'expression affectueuse de Lula pour "Dilma", issue d'une conversation téléphonique sur écoute.
"Il y a des attitudes à mon égard qu'on n'utiliserait pas à l'encontre d'un président homme", a ainsi déploré Mme Rousseff.
L'image de la femme associée à M. Temer (75 ans) est bien plus traditionnelle, avec son épouse Marcela, qui a 43 ans de moins que lui. Cette ancienne reine de beauté, qui attend leur deuxième enfant pour le mois d'août, a été récemment présentée par le magazine de droite Veja comme "belle, discrète et au foyer".
Une expression devenue consacrée, et qui a déclenché une tempête de sarcasmes sur les réseaux sociaux.
Avec AFO