Le pape François a rendu hommage samedi, lors d'une grande messe près de Kampala, au martyre commun de jeunes catholiques et anglicans aux XIXe siècle en Ouganda: un symbole d'unité nationale et un accent fort mis sur "l'oecuménisme du sang" entre chrétiens du monde entier.
"Aujourd'hui nous rappelons avec gratitude le sacrifice des martyrs ougandais. Nous rappelons aussi les martyrs anglicans, dont la mort pour le Christ rend témoignage à l'oecuménisme du sang", a-t-il relevé dans un pays qui compte plus de 40% de catholiques et quelque 30% d'anglicans.
François s'exprimait au sanctuaire national de Namugongo, près de Kampala, devant plus de 100.000 fidèles très fervents qui lui ont réservé un accueil extrêmement chaleureux.
Le président du Soudan du Sud Salva Kiir était présent, aux côtés du président ougandais Yoweri Museveni, son allié dans la guerre civile qui l'oppose depuis deux ans à son ancien vice-président Riek Machar.
Le témoignage de ces martyrs, a remarqué le pape, "montre à tous que les plaisirs mondains et le pouvoir terrestre ne donnent pas une joie et une paix durables".
"C'est la fidélité à Dieu, l'honnêteté et l'intégrité, l'authentique préoccupation pour les autres qui apportent la paix que le monde ne peut offrir", a ajouté le pape, dans une invitation aux Ougandais à refuser la corruption et la recherche des plaisirs.
Premiers saints africains, les jeunes martyrs, canonisés en 1969, "ont librement donné le témoignage de leur foi, même au prix de leur vie et beaucoup dans un si jeune âge", a remarqué Jorge Bergoglio.
Des jeunes pages de la cour du roi Bouganda, Mwanga II - catholiques comme anglicans - avaient été brûlés vifs en 1886 pour avoir demandé le baptême, après avoir été convertis par les Pères blancs. Mwanga considérait que l'influence de ces prêtres affaiblissait son pouvoir et détruisait les traditions de son peuple.
En outre, il ne pardonnait pas que ses jeunes pages, influencés par leur cathéchisme, lui refusent désormais leurs faveurs sexuelles.
Oecuménisme du sang
Cette histoire des martyrs est fondatrice de l'unité de la Nation ougandaise, qui a traversé beaucoup de périodes sombres (dictatures, conflits, massacres) et qui a un grand besoin de réconciliation, estiment les experts de l'Eglise.
Le pape François a parlé plusieurs fois, à propos de la Syrie ou de l'Afrique, de "l'oecuménisme du sang": le fait que des chrétiens de différentes confessions se trouvent réunis dans un martyre commun, victimes de groupes - notamment jihadistes - qui ne font pas de distinction entre eux.
Il souligne souvent qu'il y a aujourd'hui plus de martyrs chrétiens inconnus qu'aux autres époques et il accorde une grande importance à cette thématique, le martyre renforçant selon lui la crédibilité de l'Eglise tout entière.
Dans l'après-midi, il se rendra sur la piste d'aviation de Kololo, à Kampala, pour rencontrer les jeunes Ougandais, comme il l'avait fait avec les jeunes Kényans au grand stade de Nairobi.
Le pape devait écouter les témoignages d'un ancien enfant-soldat de la sanguinaire rébellion de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA), née en Ouganda et revendiquant un régime basé sur les Dix commandements de la Bible.
Chassée du nord de l'Ouganda, la LRA, sinistrement réputée pour ses exactions - enlèvements d'enfants transformés en soldats et en esclaves, mutilations et massacres de civils - continue de semer la terreur dans les forêts équatoriales des pays alentour, dont la Centrafrique.
Le pape se rendra ensuite à la maison de charité de Nalukolongo, où il rencontrera des pauvres de toutes religions et de tous âges.
Plusieurs thèmes sont brûlants pour l'Eglise ougandaise, à commencer par la corruption, véritable cancer dans la société, comme au Kenya voisin. Une nouvelle loi controversée, accusée de restreindre les activités des ONG, a été adoptée à quelques heures de la venue du pape, et les défenseurs des homosexuels dénoncent l'homophobie répandue dans le pays, alimentée notamment par les pasteurs évangéliques.
Enfin la main de fer du président Yoweri Museveni, président depuis 1986, n'est pas du goût de tous les catholiques.
Dimanche, le pape argentin de 78 ans entreprendra la troisième et dernière partie de son voyage africain, et aussi la plus risquée, en se rendant à Bangui, la capitale centrafricaine, secouée par des violences interreligieuses.
Le pape tient à porter en Centrafrique, où s'affrontent depuis fin 2013 des milices Séléka, à majorité musulmane, et anti-balaka, à dominante chrétienne, un message de paix et de réconciliation.
Le porte-parole du Saint-Siège, le père Federico Lombardi, a souligné vendredi soir que malgré les tensions sécuritaires, l'étape de Bangui n'était pas remise en cause.
AFP