Même s'il n'a pas réussi à décrocher de médaille à Rio de Janeiro, Ibrahim Al-Hussein est catégorique : "la récompense, c'est d'être ici. 2016, c'est ma plus belle année".
Blessé dans un attentat à la bombe en 2012, ce nageur âgé de 27 ans a perdu sa jambe et a dû fuir son pays pour recevoir des soins. Aujourd'hui immigré à Athènes, il a été sélectionné pour faire partie, avec Shahrad Nasajpour, un athlète iranien, de la première équipe de réfugiés de l'histoire des Jeux paralympiques.
Sa fuite, il préfère ne pas la raconter pour "mieux oublier le passé". "En tentant d'aider un ami blessé dans un attentat, j'ai été blessé dans une autre explosion", raconte-t-il sobrement à l'AFP. "Je suis parti car il n'y avait rien pour me soigner, pas d'hôpital, pas de médicament, même pas de nourriture."
Sportif accompli, Ibrahim a commencé la natation à l'âge de cinq ans sur les bords de l'Euphrate avec son père entraîneur, puis le judo à douze ans. Adolescent, il rêvait déjà aux jeux Olympiques.
Adopté par la Grèce
"Je n'aurais jamais imaginé qu'une guerre frapperait mon pays un jour", poursuit-il. "Après l'explosion, j'ai perdu tout espoir de refaire du sport car j'ai dû être amputé et ma deuxième jambe était aussi blessée. Mon seul but était de remarcher."
Adopté par la Grèce, l'ancien électricien de Deir Ezzor, à l'est de la Syrie, retrouve des amis, une vie, un emploi de serveur dans un café et se remet progressivement au sport à Athènes. De la natation, "quatre heures par jour après le travail", mais aussi du basket en fauteuil.
Au mois d'avril, Ibrahim participe depuis un camp de réfugiés à Athènes au relais de la flamme olympique et est repéré pour participer aux Jeux paralympiques.
"L'équipe de réfugiés est petite mais l'important, c'est d'être là", souligne lors d'une conférence de presse le chef de mission de la première délégation des athlètes paralympiques indépendants (IPA), Tony Sainsbury.
Selon lui, cette initiative a été prise pour "donner l'exemple". "Dans tous les camps de réfugiés du monde, il y a des personnes en situation de handicap. Nous espérons que l'histoire d'Ibrahim et Shahrad arrivera jusqu'à eux pour qu'ils aient l'opportunité de travailler avec leurs comités paralympiques nationaux."
Bain de sang
Ibrahim aussi souhaiterait que le sport soit un vecteur pour stopper les conflits. "Il faut arrêter le bain de sang en Syrie", implore-t-il alors qu'un cessez-le-feu de 48 heures est appliqué dans son pays.
Selon lui, tous les talents ont quitté la Syrie, majoritairement pour l'Europe. "L'Union européenne doit faciliter les procédures pour que les athlètes intègrent des clubs, puissent continuer à pratiquer du sport", plaide-t-il. "Il y a plein de blessés de guerre, de personnes amputées comme moi qui ont été forcées à immigrer. Pour les Palestiniens, les Irakiens, les Syriens, les Jeux paralympiques représentent un véritable but."
Ne se définissant pas comme "un réfugié" mais comme "un athlète", Ibrahim mesure sa chance de "faire partie de la famille paralympique" et dit vivre une "expérience merveilleuse" au Brésil, "même sans médaille".
En rentrant à Athènes, il reprendra sa vie "normale" et se préparera pour les Jeux paralympiques de Tokyo en 2020. Cette fois, espère-t-il, sous les couleurs de son pays.
"Soyons réalistes, mon pays est perdu. Mais j'espère qu'un jour la paix reviendra. Tous les pays du monde doivent agir", poursuit-il.
Le nageur, qui n'a pas vu ses parents depuis quatre ans, a déjà imaginé son retour en Syrie : "Je ne veux pas rentrer en fauteuil roulant, comme je suis parti. Je veux rentrer sur mes deux pieds ou alors à la nage, en traversant l'Euphrate de mon enfance."
Avec AFP