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Pédophilie dans la police afghane: face aux condamnations, la présidence ordonne une enquête


Le président afghan Ashraf Ghani dans son palace présidentiel à Kaboul le 25 avril 2016.
Le président afghan Ashraf Ghani dans son palace présidentiel à Kaboul le 25 avril 2016.

L'Afghanistan, mis en cause par la communauté internationale suite à des révélations sur l'exploitation de jeunes esclaves sexuels par des policiers, promet une "enquête minutieuse".

Selon plusieurs sources recoupées par l'AFP, les talibans profitent ainsi de la pratique traditionnelle du "bacha bazi" - "jouer avec les garçons" en dari, l'une des deux langues officielles afghanes - pour attaquer les forces de police.

Ce type d'attaque a fait plusieurs centaines de morts dans leurs rangs ces deux dernières années dans la province méridionale d'Uruzgan.

"Le président Ashraf Ghani a ordonné qu'une enquête minutieuse soit immédiatement conduite sur la base de ces informations", a fait savoir dimanche soir le palais présidentiel dans un communiqué.

"Quiconque sera estimé coupable sera poursuivi et condamné, sans considération de grade, conformément au droit afghan et à nos engagements internationaux", ajoutait-il.

La pratique du bacha bazi, qui consiste à entretenir des garçons prépubères comme compagnons sexuels, pour porter les armes ou servir le thé, est encore répandue dans certaines régions d'Afghanistan, dans le sud, l'est et le nord.

Elle est profondément enracinée en Uruzgan où des policiers, des juges, des responsables gouvernementaux mais aussi des rescapés de telles attaques, ont rapporté à l'AFP comment les talibans recrutaient ces "bacha" pour les retourner contre leurs violeurs policiers.

Ces pratiques, formellement démenties par les talibans, exposent ainsi doublement les enfants aux abus des deux parties au conflit.

La présidence affirme qu'il n'y a "pas de place" dans la société afghane pour de tels agresseurs, et prévient qu'elle est prête à tout faire "quel qu'en soit le prix" pour qu'ils soient punis.

Poursuivre les coupables

Cette décision intervient après une série de condamnations internationales en réaction à l'enquête de l'AFP.

"Nous condamnons fermement les épouvantables abus tels que ceux décrits dans cet article", a indiqué l'ambassade des Etats-Unis à Kaboul.

"Nous pressons le gouvernement afghan (...) de protéger et soutenir les victimes et leurs familles et encourageons vivement la justice à demander des comptes aux coupables".

Dans un courrier adressé la semaine dernière au Pentagone, un élu américain demande à son pays de réagir pour mettre fin à la pratique du bacha bazi dans les forces afghanes.

Duncan Hunter, représentant républicain au Congrès, réclame dans sa lettre que l'AFP a pu lire une "tolérance zéro", et "des mesures immédiates pour empêcher des viols d'enfants en présence des forces américaines", toujours présentes en Afghanistan avec près de 10.000 hommes pour soutenir et entrainer les forces afghanes.

De son côté, la Mission d'assistance des Nations unies à l'Afghanistan (Manua) a souligné que le bacha bazi constituait un motif de "grave préoccupation" pour la communauté internationale.

"La Manua continue de recevoir des informations éparses sur le bacha bazi, y compris au sein des forces de sécurité afghanes, et s'assurera auprès du gouvernement que toutes formes d'abus et d'exploitation des enfants soient punies et prévenues", a indiqué à l'AFP Mark Bowden, représentant spécial adjoint de l'ONU en Afghanistan.

L'annonce du gouvernement, qui n'a pas précisé le calendrier des investigations ordonnées, intervient à quelques semaines de deux conférences cruciales pour le renouvellement de l'engagement international en Afghanistan, à Varsovie début juillet et Bruxelles en septembre.

L'Afghanistan continue de dépendre étroitement du soutien militaire et financier international pour la formation et l'entretien de ses forces de sécurité, dont la police.

Le manque de réaction face au bacha bazi pourrait menacer ce soutien, estime Michael Kugleman, analyste au Woodrow Wilson Center à Washington.

"Aucun donateur ne pourrait en conscience justifier de financer des policiers associés à de telles pratiques", a-t-il dit à l'AFP. Une certaine "lassitude" déjà observée de leur part pourrait, selon lui, se transformer "en crainte de financer des institutions engagées dans des comportements moralement répréhensibles".

Le ministère afghan de l'Intérieur a reconnu que le bacha bazi constituait "un crime sérieux" et s'est dit engagé à réformer les institutions.

Mais le pays n'a toujours pas adopté de législation pénalisant la pratique, ni annoncé d'initiative pour secourir les victimes.

Avec AFP

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