Avec le scandale international né de la diffusion d'images de marché aux esclaves en Libye, l'immigration s'est imposée comme le thème majeur du sommet qui réunit environ 80 chefs d'Etat et de gouvernement ainsi que 5.000 délégués à Abidjan mercredi et jeudi.
Le thème principal du sommet est "investir dans la jeunesse pour un avenir durable".
"Nous devons tout mettre en oeuvre pour votre épanouissement sur notre continent ! Je vous invite à avoir foi dans l'avenir et ne pas vous lancer à l'aventure au péril de vos vies", a lancé M. Ouattara à l'adresse de la jeunesse africaine.
60% de la population africaine a moins de 25 ans, et des centaines de milliers de jeunes désespérés par le chômage, la pauvreté et l'absence de perspectives dans leurs pays - en dépit de taux de croissance enviables pour certains d'entre eux - tentent d'émigrer vers l'Europe chaque année.
Pour l'analyste Gilles Yabi, fondateur et président du think tank africain Wathi, l'enjeu de la jeunesse est le plus important car ce sont les générations futures du continent qui devront être capable de participer à la transformation économique du continent.
La population africaine a quasi doublé ces 25 dernières années (1,2 milliard d'habitants actuellement) et devrait encore doubler d'ici à 2050, selon l'ONU.
"Ce sommet doit être le point de départ d'une action résolue contre cette tragédie" de l'immigration et de ses conséquences, comme la traite de migrants en Libye, a lancé le président de la Commission de l'Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat.
"Donnons-nous la main pour apporter des solutions plus humaines à cette crise migratoire", a renchéri Alpha Condé, président de la Guinée et président en exercice de l'UA.
Le président français Emmanuel Macron, arrivé mercredi à Abidjan, doit proposer au sommet "une initiative euro-africaine" pour "frapper les organisations criminelles et les réseaux de passeurs" qui exploitent les migrants en Libye, ainsi qu'"un soutien massif à l'évacuation des personnes en danger", ainsi qu'il l'a annoncé à Ouagadougou mardi.
Promesses vides
Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a relevé que la "croissance économique impressionnante" en Afrique durant la dernière décennie était "insuffisamment inclusive", autrement dit que les inégalités de revenus restent trop importantes, ce qui pousse les jeunes à continuer d'émigrer.
Mardi, le président du Parlement européen, Antonio Tajani, avait déclaré vouloir proposer un "plan Marshall" pour le développement de l'Afrique, notamment pour investir massivement dans ses infrastructures.
"Cela fait des années que nous dénonçons comment les migrants en Libye sont victimes de détention arbitraire, de torture, de viol, d'exploitation", a rappelé Amnesty International. Les dirigeants africains et européens doivent "se réveiller", selon l'ONG.
"Ce ne sont pas des promesses vides qui créeront les 22 millions de nouveaux emplois annuels dont l'Afrique a besoin", a fustigé de son côté la directrice Afrique de l'ONG ONE (fondée par le chanteur Bono), Rudo Kwaramba-Kayombo. "Les dirigeants de l'UA et de l'UE doivent investir dans le développement à long terme et comprendre qu'en donnant la priorité à l'éducation, l'emploi et l'émancipation des jeunes, c'est aux futures crises de sécurité et de migration qu'ils s'attaquent".
La question de la sécurité et des menaces terroristes devrait aussi être abordée par les chefs d'Etat et de gouvernement, au moment où l'Afrique de l'Ouest en particulier connaît depuis quelques années une montée en puissance de groupes jihadistes, d'ailleurs en partie liée à la désespérance de la jeunesse africaine, selon des analystes.
L'UE affiche son soutien au G5 Sahel, un groupe de cinq pays (Mali, Niger, Mauritanie, Burkina Faso, Tchad) qui s'efforce de mettre en place une force antijihadiste dans cette région, mais le financement de cette force est encore largement insuffisant. Seule la moitié de son budget a été réuni, bien qu'il ait été divisé par deux, à 240 millions d'euros. L'UE en a promis 50.
"Le G5 Sahel a besoin d'une force africaine capable d'imposer la paix, dotée d'un mandat à la hauteur des menaces et dotée d'un financement pérenne", a plaidé le secrétaire général de l'ONU, Antonio Gutteres.
Avec AFP