Le climat se détériore depuis des mois entre le pouvoir et les adversaires d'Ali Bongo, élu à la mort de son père Omar en 2009 après 41 ans de pouvoir, et qui brigue un nouveau septennat lors du scrutin à un tour le 27 août face à 13 candidats.
Le médiateur de la République Laure Olga Gondjout, qui avait appelé en mai à un dialogue inclusif, a redouté jeudi "un contexte électoral périlleux" avec "son cortèges de troubles".
A tort ou à raison, la peur d'éventuels dérapages, surtout après la proclamation des résultats, hante les quelque 628.124 électeurs gabonais habitués à la paix civile.
La capitale a connu deux accès de tensions, lorsque la police a dispersé de petits rassemblements d'opposants les samedi 9 et 23 juillet à Libreville.
Une quinzaine d'activistes de la société civile, dont un syndicaliste enseignant, sont toujours détenus depuis leur interpellation le 9. Des "casseurs" pour le pouvoir, une "détention arbitraire" pour le collectif citoyen Dynamique unitaire.
"Le changement c'est moi", proclame à l'AFP le président sortant Ali Bongo, qui doit tenir un meeting samedi à Akanda, ville qui touche Libreville où le gouvernement a récemment délocalisé le ministère de l'Intérieur, nourrissant les pires rumeurs dans les rangs de l'opposition.
Deux de ses principaux rivaux, Jean Ping et Guy Nzouba Ndama, doivent aussi rassembler leurs troupes.
Les opposants, souvent d'ex-cadres vieillissants du pouvoir, mettent en cause la filiation et la légitimité du président, 57 ans.
Selon eux, Ali Bongo ne peut être président, étant un enfant du Nigéria adopté par Omar Bongo qui a falsifié son acte de naissance, alors que la Constitution impose aux candidats d'être nés Gabonais.
L'opposition, qui peine à apporter des preuves de sa thèse, a été déboutée de presque tous ses recours. La Cour constitutionnelle a validé fin juillet la candidature d'Ali Bongo.
'L'opposition se sabote'
Face à lui, ses détracteurs sont jusqu'à présent à peine audibles, ayant très peu accès aux grands médias contrôlés par l'Etat ou proches du pouvoir, où est en revanche abondamment relayée la moindre sortie du chef de l'Etat.
Surtout, "l'opposition se sabote elle-même en arrivant dispersée" dans un scrutin à un seul tour, souligne un observateur de la politique gabonaise. Ce nombre élevé de candidatures favorise de facto le président sortant qui peut être élu avec une majorité très relative.
Ancien président de la Commission de l'Union africaine et ex-beau frère d'Ali Bongo, Jean Ping, 74 ans, de père chinois et de mère gabonaise, possède un solide carnet d'adresse dû à son passé de diplomate, et a promis de ne faire qu'un seul mandat s'il arrive en tête.
Guy Nzouba Ndama, 70 ans, dont une vingtaine à la tête de l'Assemblée nationale, peut compter sur le soutien de nombreux barons locaux déçus de la politique du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir), mais sa défection très récente (mars 2016) lui vaut des critiques.
Troisième candidat crédible, l'ancien Premier ministre Casimir Oye Mba, souffre encore de sa volte-face en 2009, quand il avait retiré sa candidature au dernier moment pour soutenir Ali Bongo.
Ces trois anciens barons dénoncent notamment la "légion étrangère" dans l'entourage proche du président Bongo: il s'agit selon eux d'"un tout petit clan qui contrôle ostensiblement tous les rouages du pouvoir pour amasser à la vue de tous l'argent facile".
Premier dans leur ligne de mire, le directeur de cabinet du président, le Béninois Maixent Accrombessi, à qui l'opposition et une partie de l'opinion prêtent une très grande influence sur le chef de l'Etat.
Ancienne puissance coloniale, régulièrement accusée par les journaux d'opposition d'avoir adoubé Ali Bongo en 2009, la France se tient officiellement prudemment en retrait du scrutin.
"La France souhaite ardemment que ces élections se déroulent dans le calme, dans la transparence et la régularité", avait glissé l'ambassadeur de France Dominique Renaux lors de son discours du 14 juillet, en insistant: "Nous n'avons pas d'autre objectif".
Avec AFP