Ce procès, initialement prévu en mai, avait été reporté en l'absence d'un interprète en langue soussou. La traductrice appelée à la barre du tribunal correctionnel parlait plusieurs langues de l'Afrique de l'Ouest mais pas le soussou.
Le tribunal a toutefois décidé d'examiner l'affaire, estimant que Moussa Camara avait "une connaissance suffisante de la langue française".
"Il est hors de question que cette audience se tienne. C'est une atteinte aux libertés fondamentales", s'est emportée son avocate, Me Florence Alligier, qui a quitté la salle afin de demander l'intervention du bâtonnier du barreau de Lyon, Farid Hamel.
En larmes dans le box, le jeune homme de 28 ans ne s'est pas exprimé devant le tribunal, qui l'a condamné à deux mois de prison ferme et deux ans d'interdiction de territoire.
Artiste acrobate, il était arrivé en France en 2015 avec une autorisation temporaire de travail. Sa demande d'asile avait été rejetée en 2017.
Le 3 mai, il avait refusé d'embarquer à l'aéroport de Lyon-Saint-Exupéry, dans le sud-est de la France, sur un vol pour Conakry.
Le jeune homme affirme que son compagnon a été lynché par sa famille en Guinée, qu'il a quittée pour fuir les persécutions contre les homosexuels.
En Guinée, l'homosexualité est passible d'une peine allant jusqu'à trois ans de prison.
La procureure, qui avait requis dix ans d'interdiction de territoire, a émis un doute sur l'homosexualité de Moussa Camara, s'appuyant sur des extraits de la procédure, lus à l'audience, où le Guinéen se dit "bisexuel" et assure avoir une "compagne enceinte".
"C'est l'illustration parfaite que M. Camara ne parle pas suffisamment français", a rétorqué Me Alligier à l'issue de l'audience, en ajoutant qu'il n'avait "jamais entretenu de relation amoureuse avec la jeune femme en question".
L'avocate a immédiatement interjeté appel, considérant ce jugement "nul".
Pour Me Hamel, "l'affaire sera rejugée et très certainement renvoyée devant le tribunal correctionnel car un mauvais interprète équivaut à une absence d'interprète".
Le cas de Moussa Camara avait suscité l'émotion sur les réseaux sociaux. "Son compagnon a déjà été assassiné en raison de son homosexualité. Son expulsion serait un scandale", avait affirmé le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure.
Plusieurs dizaines de militants de l'association Aides de Lyon et de Nîmes (sud), où militait et résidait M. Camara, étaient venus le soutenir.
Avec AFP