Le procès de Peter Liang, 28 ans, inculpé notamment d'homicide involontaire sur la personne d'Akai Gurley, s'est ouvert devant une salle comble, au tribunal de Brooklyn. Cravate violette et costume sombre, l'accusé, qui comparaît libre et compte prendre la parole pour sa défense, n'a montré aucune émotion, assis à côté de ses avocats.
Il est extrêmement rare aux Etats-Unis qu'un policier en fonction soit jugé pour avoir tué quelqu'un.
La mort d'Akai Gurley le 20 novembre 2014 à Brooklyn était venue s'ajouter à celles de plusieurs noirs non armés, tués par la police aux Etats-Unis, ravivant les tensions raciales et suscitant de nombreuses manifestations.
Cette nuit-là, Peter Liang, qui avait commencé 11 mois plus tôt comme policier, était chargé de patrouiller avec un collègue dans la cité HLM Louis H. Pink Houses de Brooklyn. Après avoir inspecté le toit d'un immeuble, il avait emprunté la cage d'escalier au 8e étage pour redescendre, vers 23H00.
La lumière ne fonctionnait pas et il faisait très sombre, le jeune policier avait sorti sa lampe de poche d'une main et son arme de l'autre, selon les procureurs. Au même moment, l'ascenseur n'arrivant pas, Akai Gurley, 28 ans, avait commencé à descendre les escaliers au 7e étage avec une amie. Peter Liang avait tiré vers le bas.
"Il a tiré sans raison", a tonné lundi le procureur Marc Fliedner lors de sa déclaration d'ouverture. Et après, "il a perdu un temps précieux", s'inquiétant d'être renvoyé de la police et se disputant avec son collègue, a ajouté le procureur. Il n'a pas appelé son supérieur comme il aurait dû le faire. Il n'a pas appelé les secours. Il n'avait pas à avoir le doigt sur la gâchette, a aussi souligné le procureur, rappelant les règlements de la police de New York.
Akai Gurley, 28 ans, père d'une petite fille, atteint d'une balle en pleine poitrine, s'effondrera deux étages plus bas. La balle a ricoché sur le mur avant de le transpercer, selon le procureur.
"Ils avaient absolument le droit d'être là. Ils ne faisaient absolument rien de mal", a insisté le procureur à propos d'Akai Gurley et de son amie Melissa Butler.
Celle-ci, en larmes, frappe ensuite aux portes, cherche de l'aide. Une voisine, Melissa Lopez, appelle la police.
Policiers invisibles
Les deux policiers sont alors "invisibles", a déclaré le procureur. Et quand ils descendent du 8e étage, de longues minutes plus tard, Peter Liang "contourne" sa victime qui gît au sol, au lieu de s'agenouiller pour voir s'il peut l'aider, a ajouté le procureur, mettant genou à terre pour être plus dramatique.
Melissa Lopez a témoigné que Melissa Butler, qui n'était pas formée, avait en vain essayé la réanimation cardio-pulmonaire.
L'appel de Mme Lopez à la police a été diffusé à l'audience. On y entend Melissa Butler crier "il ne respire plus", et Mme Lopez, en ligne avec les services d'urgence, lui donner des conseils.
Peter Liang, d'origine chinoise, a plaidé non coupable et risque jusqu'à 15 ans de prison.
"Je l'ai tué par accident", avait-il indiqué à un supérieur, Vitaliy Zelikov, arrivé peu après sur place.
"C'était un accident", a répété son avocate Rae Koshetz lundi, soulignant que Peter Liang n'avait d'abord "aucune idée" qu'il avait atteint quelqu'un. Elle a aussi souligné que rien n'interdisait à un policier de sortir son arme. Il était "terrifié" après avoir tiré, "une loque", tellement choqué qu'il était "incapable de communiquer", a-t-elle ajouté.
Ce procès "n'est pas un référendum sur la police aux Etats-Unis", a-t-elle aussi insisté, voulant le dissocier des autres bavures policières, qui avaient suscité en 2014 et 2015 de nombreuses manifestations, notamment après la mort de Michael Brown à Ferguson (Missouri) et Eric Garner à New York. Dans ces deux cas, les policiers impliqués n'ont pas été poursuivis.
Le jury est composé de sept femmes et cinq hommes. Un seul juré est Africain-américain.
Le procès devrait durer de trois à quatre semaines.
Avec AFP