Selon le président de l'Autorité nationale indépendante des élections (Anie), Mohamed Charfi, 90% des quelque 61.000 bureaux de vote du pays sont ouverts depuis 08H00 (07H00 GMT) à travers le pays, et près de 6% sont la cible de perturbations. "Globalement, le taux de participation est respectable", s'est félicité M. Charfi, sans donner de chiffre.
Toutefois, dans la région frondeuse de Kabylie (nord), au moins deux centres de vote ont été fermés à Béjaïa, dont l'un a été saccagé. Et un troisième y est toujours assiégé par des opposants au scrutin présidentiel, selon des témoins et des sources sécuritaires.
A Tizi Ouzou, autre grande ville de cette région berbérophone, toutes les opérations de vote ont été interrompues.
- "Vote par devoir" -
A Alger, la police anti-émeute est sur les dents. Elle est rapidement intervenue à plusieurs reprises pour empêcher tout rassemblement, procédant à une dizaine d'arrestations, selon des journalistes de l'AFP.
Il est encore trop tôt pour se faire une idée de la participation, traditionnellement faible ces dernières années, mais la plupart des observateurs s'attendent à une très forte abstention, le puissant mouvement ("Hirak") de contestation populaire qui ébranle l'Algérie depuis février ayant appelé au boycott.
Dans les bureaux de vote de la capitale, la situation semble contrastée: à Bab el-Oued, une centaine d'électeurs, dont de nombreux jeunes, se sont pressés dès l'ouverture et contre toute attente au principal bureau de vote de ce quartier populaire, selon une journaliste de l'AFP.
"Je vote car j'ai peur que le pays s'enlise dans la crise", a expliqué Karim, un fonctionnaire de 28 ans. Mahdid Saadi, un retraité de 76 ans, a montré sa carte d'électeur avec de très nombreux tampons: "J'ai toujours voté et je vote encore aujourd'hui, c'est un devoir".
Mais l'affluence semble faible dans d'autres bureaux, comme au collège Pasteur du centre de la capitale, à l'école Mohamed Zekal du quartier Belouizdad (ex-Belcourt) ou dans les bureaux d'El Achour et Staouéli, dans les banlieues ouest d'Alger, selon des journalistes de l'AFP.
Beaucoup d'électeurs refusent de donner leur nom à la presse par peur de se faire insulter sur les réseaux sociaux.
La télévision nationale, elle, montre des files d'électeurs dans plusieurs régions. Certains internautes s'en amusent et se demandent "combien ils ont été payés", fustigeant le "Jeudi de la supercherie".
Le "Hirak", mouvement antirégime né le 22 février et ayant obtenu la démission en avril de M. Bouteflika, reste farouchement opposé à ce scrutin que le pouvoir, aux mains de l'armée, veut organiser coûte que coûte.
Le mouvement dénonce ainsi une "mascarade électorale", exige la fin du "système" aux manettes depuis l'indépendance en 1962, et le départ de tous ceux qui ont soutenu ou pris part aux 20 ans de présidence de M. Bouteflika.
Or, les cinq candidats (Abdelaziz Belaïd, Ali Benflis, Abdelkader Bengrina, Azzedine Mihoubi et Abdelmajid Tebboune) qui ont voté en matinée sont tous considérés par la contestation comme des enfants de ce "système" et accusés de lui servir de caution.
Les bureaux doivent fermer à 19H00 (18H00 GMT), mais aucun chiffre ne devrait être disponible immédiatement. Lors des précédents scrutins, le taux de participation avait été annoncé tard dans la soirée, et les résultats le lendemain.
- Appel au calme -
Depuis plusieurs semaines, le pouvoir répète que la participation sera "massive", contrairement aux observateurs qui s'attendent à une forte abstention. Faute de sondage, impossible d'évaluer combien des 24 millions d'électeurs prévoient d'aller voter.
"Le vote sera boycotté à une large échelle", a estimé Anthony Skinner, directeur Moyen-Orient et Afrique du Nord de la société d'analyses de risques Verisk Maplecroft.
Mercredi, des personnalités proches du "Hirak" ont averti du contexte de "vives tensions" dans lequel se déroule le scrutin, considérant le pouvoir "responsable de tout dérapage éventuel dans les jours à venir".
Elles ont aussi exhorté les contestataires à "demeurer pacifiques" en refusant de "répondre aux provocations" et en veillant à "ne pas empêcher l'exercice par d'autres citoyens de leur droit à s'exprimer librement".
Pilier du régime, historiquement habitué aux coulisses, le haut commandement de l'armée assume ouvertement le pouvoir depuis la démission de M. Bouteflika.
Après une première tentative d'élection avortée en juillet, il s'obstine à vouloir rapidement lui élire un successeur pour sortir de l'actuelle crise politico-institutionnelle, qui a aggravé la situation économique.
Le général Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major et visage public de ce haut commandement, "ne veut pas être tenu responsable des perspectives économiques de plus en plus négatives", a estimé Anthony Skinner.