Ce que les responsables européens "disent ne m'intéresse pas et je ne les écoute pas", a dit le président Recep Tayyip Erdogan dans une interview à la chaîne française France 24.
Enième critique venue de responsables de l'UE, peu après la diffusion de cet entretien samedi, le chef du gouvernement italien reprochait à Ankara de "mettre en prison l'avenir" du pays, où l'état d'urgence a été instauré jeudi pour la première fois en quinze ans.
Ses premiers effets concrets ont été déclinés dans le Journal officiel: extension de quatre à 30 jours de la durée maximale de garde à vue; radiation à vie des fonctionnaires liés à Fethullah Gülen.
Ont été fermés, 1.043 établissements d'enseignement, 15 universités, 1.229 associations et fondations, 19 syndicats... Le président Erdogan a répété sa volonté d'éradiquer ce "virus", ce "cancer" qui se serait "métastasé" dans les institutions.
Certes, la justice a annoncé l'élargissement de 1.200 militaires du rang, une décision de libération inédite depuis le début des purges massives après l'échec d'un coup d'Etat qui s'est soldé par 270 morts dont 24 mutins.
Mais selon les chiffres toujours en hausse de l'agence Anadolu, plus de 12.500 gardes à vue ont été prononcées depuis les événements de la nuit du 15 au 16 juillet. Selon la même source, 5.600 personnes ont été placées en détention, militaires, magistrats et policiers mais aussi professeurs ou fonctionnaires.
'Plus sauvage que Daech'
"Venez ici! Venez voir à quel point c'est grave!", a lancé le ministre des Affaires européennes Omer Celik à ceux qui penseraient "que c'est juste un jeu de Pokémon". M. Gülen, a-t-il ajouté, est "plus dangereux qu'Oussama Ben Laden" et son mouvement "plus sauvage que Daech", acronyme arabe du groupe Etat islamique (EI).
Le responsable a toutefois assuré que l'accord du 20 mars entre Ankara et Bruxelles qui a permis d'assécher le flux des migrants en route vers l'Union européenne (UE), avait continué à être appliqué "sans accroc" et appelé de ses voeux "un nouvel élan" dans les négociations d'adhésion avec l'UE.
Le président Erdogan s'est montré moins volontariste et répété que si le peuple l'exigeait et si le Parlement le votait, il accepterait le rétablissement de la peine de mort, ce qui risque de torpiller le processus d'adhésion.
Depuis qu'il a retourné la situation en sa faveur, Recep Tayyip Erdogan s'appuie sur la masse de ses partisans, son "cher peuple héroïque", appelé à descendre dans les rues, soir après soir.
Gülen au bout du fil ?
Avant une manifestation qui s'annonce massive dimanche place Taksim à Istanbul, ils redescendaient dans les rues samedi soir, crier leur haine de Fethullah Gülen, dont un neveu a été interpellé dans le nord-est de la Turquie.
"On ramènera aussi ce traître (...) de Pennsylvanie", a dit vendredi le ministre des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu lors d'un de ces rassemblements dans la ville côtière d'Antalya (sud).
Dans un contexte de tensions entre Ankara et Washington, le président Barack Obama a prévenu qu'une éventuelle remise du septuagénaire, exigée par les Turcs, serait traitée conformément à la loi américaine. Par le passé, les Etats-Unis "nous ont fait plusieurs demandes d'extradition, (...) nous ne leur avons jamais demandé aucun document", a relevé Recep Tayyip Erdogan qui a affirmé que des preuves seraient envoyées d'ici "une dizaine de jours".
Il a affirmé que le chef d'Etat major de l'armée Hulusi Akar, resté loyal et pris en otage par les putschistes, s'était vu proposer par ses ravisseurs de s'entretenir au téléphone avec Fethullah Gülen.
Si les autorités sont déterminées à poursuivre le grand ménage dans les services de sécurité, Hakan Fidan, le patron des puissants services de renseignement, le MIT, pris en défaut par le putsch, a pour le moment sauvé sa tête.
Le principal parti prokurde (HDP) a réuni quelques milliers de personnes à Istanbul, pour protester contre le putsch mais aussi contre l'état d'urgence. La garde à vue de 30 jours "revient à une torture en soi", a lancé samedi le chef de file du parti , Selahattin Demirtas.
Avec AFP