A la veille de cet anniversaire, lundi 13 mars, l'affable pontife argentin continue à susciter une très grande ferveur populaire, grâce à son langage concret et sa proximité avec les gens, surtout les plus humbles. Mais à l'intérieur de "la Curie", le gouvernement du Saint-Siège, souvent malmenée par un pape au visage plus autoritaire, ses véritables soutiens sont davantage comptés.
Lors de ses voeux devant les cardinaux de la Curie en décembre, le pape a énuméré une liste de dix-huit décisions réformatrices phares, soulignant qu'elles ne devaient pas être un simple "lifting" mais s'accompagner d'un "changement de mentalité".
Or, selon un évêque argentin, proche du pape, ce dernier ne peut compter que sur environ 20% de soutiens actifs au sein de la Curie, une majorité affichant sa loyauté de façon plus passive et une minorité son opposition. Autre paramètre: le changement est loin d'être gravé dans la culture bi-millénaire de l'Eglise, qui suit son propre rythme.
Le dossier ultra-sensible des abus sexuels a illustré la semaine dernière cette double difficulté.
Une ancienne victime irlandaise, Marie Collins, a démissionné de la commission antipédophilie mise en place par le pape, dénonçant un manque de coopération "honteux" de la Curie, surtout de la part de la "Congrégation pour la doctrine de la foi", gardienne du dogme et des moeurs.
"Je pense qu'il faudrait mettre fin à ce cliché, l'idée qu'il y aurait d'un côté le pape qui veut la réforme et de l'autre un groupe de résistants souhaitant la bloquer", a rétorqué son chef, le cardinal conservateur allemand Gerhard Ludwig Müller.
- Pape bon, curie méchante ? -
Le vaticaniste Gianni Valente -collaborateur du site d'analyse "Vatican Insider" et plutôt sensible au message du pape- estime que "l'image simpliste d'un pape bon et d'une curie méchante devient un danger pour le souverain pontife en l'isolant".
Et elle ne correspond pas non plus toujours à la réalité sur le terrain. Nombreux sont ceux au Vatican pour qui certaines réformes sont perçues comme dénuées de consultations préalables, ou confiées aux mauvaises personnes.
L'exemple le plus flagrant reste l'embauche de la sulfureuse consultante Francesca Chaouqui, arrêtée en 2015 pour avoir transmis à deux journalistes des milliers de documents confidentiels sur les finances du Vatican.
Ces journalistes ont ensuite révélé dans leurs livres nombre de malversations financières, dont des détournements de dons faits à l'Eglise (Denier de Saint-Pierre) destinés aux pauvres mais utilisés pour financer le train de vie luxueux de certains cardinaux. Ces fuites avaient conduit à l'embarrassant procès "Vatileaks 2".
Le coeur des réformes porte sur un meilleur contrôle de ces dépenses parfois exponentielles et souvent opaques. Mais le Saint-Siège reconnaît qu'il aura besoin encore de "quelques années" pour publier des comptes consolidés certifiés. "C'est compliqué d'imposer des normes comptables communes quand vous ne le faites pas depuis des siècles!", a ainsi ironisé une source interne.
Un mois après son élection, le pape avait nommé un conseil consultatif de huit cardinaux (aujourd'hui neuf) pour l'aider à réformer l'administration centrale de l'Eglise, dont les progrès sont peu détaillés.
Début 2014, le pape avait aussi créé un tout puissant ministère de l'Economie, dirigé par le cardinal australien George Pell.
Sa nomination avait provoqué un séisme, mais ses pleins pouvoirs ont été grignotés depuis, s'accordent les vaticanistes.
L'organe qui supervise le fabuleux patrimoine immobilier de l'Eglise a ainsi repris le contrôle de ses activités, souligne Sandro Magister, vaticaniste conservateur critique du pape.
En revanche, deux grands ministères ont vu le jour et une réforme radicale des médias du Vatican bat son plein, malgré des grincements de dents.
"Le pape ouvre des processus et sème le désordre", critique Sandro Magister, pour qui la réforme, omniprésente il y a quatre ans dans les discours avant le conclave, "est encore loin du but".
"Le pape donne des lignes directrices, c'est un travail de longue haleine", défend Gianni Valente. Et le succès de son pontificat "ne dépend pas de l'obtention de résultats de son vivant", ajoute-t-il.
Avec AFP