Les victimes ont été tuées par balle mercredi matin dans le quartier de Cibitoke, en périphérie de la capitale Bujumbura: la police affirme avoir été engagée dans des combats avec un "groupe armé" qui ont fait un mort dans ses rangs, selon elle. Mais des témoins font état d'exécutions sommaires.
Ce nouvel incident vient un peu plus alourdir un climat délétère dans ce pays des Grands Lacs où les résultats des élections législatives et communales de lundi, boycottées par l'opposition, étaient toujours attendus.
Selon la police, l'incident a commencé mercredi matin par l'explosion d'une grenade, lancée contre des policiers qui patrouillaient dans le quartier de Cibitoke, foyer des manifestations déclenchées fin avril par la candidature du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat à la présidentielle prévue le 15 juillet.
L'explosion a été immédiatement suivie d'un "ratissage" du quartier par les forces de sécurité qui se sont alors heurtées à un groupe "lourdement armé", a-t-elle affirmé. La police a ajouté que "cinq assaillants" avaient été tués, que le groupe, selon elle composé d'opposants politiques radicalisés, avait été "neutralisé" en début d'après-midi et que des armes -- fusil d'assaut, lance-roquettes RPG et grenades -- avaient été saisies.
Un journaliste de l'AFP qui a pu se rendre sur place en fin d'après-midi - le quartier est longtemps resté bouclé - a vu non pas cinq mais six cadavres de civils jonchés sur le sol. Et des témoins interrogés ont donné une toute autre version des faits, loin de la thèse du "groupe armé".
Selon eux, la police cherchait l'un des leaders des manifestations dans une maison du quartier et a demandé à ses occupants d'en sortir. Toujours d'après eux, elle leur a alors tiré dessus alors qu'ils sortaient "les bras en l'air".
Parmi les victimes, tuées de balles dans la tête, figurent un agent de change d'une soixantaine d'années plutôt connu pour ses positions pacifiques, ainsi que ses deux fils, selon le journaliste de l'AFP.
Cet incident survient alors que le pays attend d'un jour à l'autre les résultats des scrutins de lundi, boycottés par l'opposition, décriés par la communauté internationale et tenus quasiment sans aucun observateur électoral.
En raison de la grave crise politique actuelle, la communauté internationale comme l'opposition estimaient que les conditions n'étaient pas réunies pour des scrutins "crédibles".
Les élections avaient déjà donné lieu toute la semaine dernière à un regain de violences: des attaques à la grenade à Bujumbura et en province avaient fait cinq morts et des dizaines de blessés.
L'officialisation fin avril de la candidature de M. Nkurunziza a déclenché un mouvement de contestation populaire qui a été violemment réprimé par la police et donné lieu à de sanglants heurts avec les jeunes du parti au pouvoir, les "Imbonerakure" - une "milice", selon l'ONU.
Au total, les violences ont fait plus de 70 morts et plus de 140.000 Burundais ont fui dans les pays voisins.
L'opposition, qui juge un troisième mandat anticonstitutionnel, a boycotté les élections après avoir, dit-elle, subi des menaces et été dans l'impossibilité de faire campagne. Elle a aussi dénoncé l'absence de pluralisme médiatique: les radios indépendantes ont été détruites lors d'un putsch manqué mi-mai, également motivé par la candidature de M. Nkurunziza.
Mardi, l'opposition a encore fustigé la "mascarade électorale", affirmé qu'elle ne reconnaîtrait ni "les résultats", ni "les institutions qui en seront issues" et demandé à la communauté internationale d'en faire autant.
Celle-ci, qui craint un retour de la violence à grande échelle dans un pays à l'histoire marquée par les massacres et une longue guerre civile (1993-2006), a elle-même dénoncé l'entêtement du pouvoir à tenir ces élections aux dates prévues.
Le président Nkurunziza a répliqué en lui demandant de "respecter l'indépendance" du pays.
Mercredi, pour le 53e anniversaire de l'indépendance du Burundi, sous tutelle belge jusqu'en 1962, le chef de l'État a assisté sous très haute protection à un défilé militaire et civil dans un stade de Bujumbura.
Dans ce défilé, soldats et policiers étaient moins nombreux que d'ordinaire, les autorités ne voulant pas toucher au dispositif sécuritaire déployé dans le pays. Signe de l'extrême tension, la tribune présidentielle était pour la première fois entourée de vitres pare-balles.
Avec AFP