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Quitter la CPI, une diversion des Etats détracteurs africains ?


Les députés burundais viennent d'approuver la demande de sortie de la CPI, à Bujumbura, Burundi, le 12 octobre 2016. (VOA/Christophe Nkurunziza)
Les députés burundais viennent d'approuver la demande de sortie de la CPI, à Bujumbura, Burundi, le 12 octobre 2016. (VOA/Christophe Nkurunziza)

Les Etats africains qui veulent quitter la Cour pénale internationale (CPI) tentent de camoufler leurs agendas politiques internes à coups de vieilles critiques populaires contre la dominance occidentale selon les experts.

Après des décisions similaires du Burundi et de l'Afrique du Sud, la Gambie a annoncé mardi son retrait, en accusant la Cour de "persécution envers les Africains".

Pour Jemal Taleb, avocat et consultant international le sentiment global que les africains ont est que la CPI est faite pour eux et donc que le vrai nom de la CPI c’est justice pour l’Afrique. Et ce sentiment créé une certaine injustice et donc le rejet de cette justice. A la question de savoir pourquoi la CPI ne s’intéresse qu’aux cas lies a l’Afrique, Jemal Taleb pense que la CPI ne va que là où c’est plus facile, la ou les éléments lui sont donnes par les gouvernements en place.

Jemal Taleb joint par John Lyndon
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Pourtant, Banjul fait écho à ces critiques régulièrement entendues sur le continent au moment même où la Cour commence à élargir son terrain d'action, "dans des endroits où des Etats occidentaux sont impliqués", selon Mark Kersten, chercheur en droit pénal international à l'université de Toronto.

La procureure a récemment ouvert sa première enquête en dehors de l'Afrique, sur la guerre d'août 2008 ayant opposé Géorgie et Russie en Ossétie du Sud. Et elle continue de mener des examens préliminaires en Colombie, Afghanistan, Irak et Palestine, notamment.

Fondé en 2002, ce tribunal permanent est chargé de juger les crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocides que les Etats sont incapables ou refusent de poursuivre.

Les mains libres

Alors que la grande majorité des enquêtes de la CPI "ont été référées par les pays eux-mêmes", d'après Aaron Matta, chercheur au sein de l'Institut de La Haye pour une justice mondiale, l'accusation de "chasse raciale" refait inlassablement surface.

"Nous voyons une montée des pays africains qui tentent d'être populaires en critiquant la domination occidentale et en luttant en faveur de la cause africaine", explique à l'AFP Marieke de Hoon, professeure assistante en droit public international à l'Université libre d'Amsterdam.

A trois semaines de l'Assemblée annuelle des Etats parties de la CPI, cette vague de départs "pourrait avoir été orchestrée", a-t-elle ajouté.

Un "effet domino" risque d'entraîner le retrait de cinq à dix Etats, dont l'Ouganda, le Kenya et la Namibie, mais pas d'exode de masse, a estimé M. Kersten sur son blog "Justice in conflict". "L'effet ultime de ces départs sera de protéger les responsables de haut niveau d'atrocités de masse".

Car derrière la rengaine anti-occidentale, les trois pays impliqués jusqu'à présent tentent avant tout d'éviter que la CPI ne braque ses projecteurs sur leur situation interne. Pour des raisons variées et selon des agendas politiques différents.

Banjul attend en décembre des élections présidentielles alors que l'opposition manifeste une rare unité contre le chef de l'Etat Yahya Jammeh, qui dirige le pays d'une main de fer depuis 1994 et brigue un cinquième mandat.

Première à officialiser sa décision auprès de l'ONU, Pretoria a voulu "coiffer Bujumbura au poteau", car peu d'Etats auraient suivi un mouvement lancé par le président Pierre Nkurunziza, d'après M. Kersten.

Et pour le chef d'Etat burundais, "s'échapper de la CPI est une manière d'avoir les mains libres pour commettre un génocide", assure à l'AFP l'ancien procureur de la Cour Luis Moreno-Ocampo.

Terrain de jeu politique

Sur les 124 Etats parties au Statut de Rome, 34 sont africains tandis que "de grandes puissances" - la Russie, la Chine, les Etats-Unis - ne sont pas Etats parties.

"En Afrique, il existe un puissant lobby pro-CPI, qui la critique et veut l'améliorer", assure Marieke de Hoon. Parmi eux, le Gabon, qui a récemment requis l'ouverture d'une enquête, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Botswana. "Ce sont ces voix que nous devons écouter, plutôt que rejeter".

Partiellement freinée par ses propres règles, la Cour ne peut pas enquêter dans un pays non-membre, sauf sous mandat de l'ONU.

Ainsi, référer à la CPI la situation en Syrie, pays non membre, est devenu hautement politique alors que des tentatives en ce sens ont été bloquées au Conseil de Sécurité de l'ONU en 2014 par la Russie et la Chine.

"Il est important de comprendre le terrain de jeu politique dans lequel la CPI tente de fonctionner. Elle a des ressources limitées, une juridiction limitée", a précisé Mme De Hoon, invitant la communauté internationale à prendre au sérieux les critiques pour repenser l'institution.

"Sinon, ce sont les dictateurs qui tentent d'échapper à la justice" qui l'emporteront, a-t-elle assuré.

Avec AFP

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