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RDC : la brusque envolée des prix de l'internet passe mal


Le Palais du Peuple, siège du Parlement de la RDC, à Kinshasa, lundi le 5 décembre 2011.
Le Palais du Peuple, siège du Parlement de la RDC, à Kinshasa, lundi le 5 décembre 2011.

Le mécontentement gronde parmi la population face à une envolée brutale des prix de l'internet en République démocratique du Congo, où gouvernement et opérateurs de télécommunications se renvoient mutuellement la responsabilité de cette hausse.

Fin mai, le groupe sud-africain Vodacom, premier opérateur de télécommunications du pays a commencé à faire payer 100 dollars (88 euros) au lieu de 28 dollars son forfait mensuel pour 4 Gbit de données.

Chez le groupe français Orange, numéro 2 avec le rachat et l'intégration en cours de son concurrent Tigo, le forfait équivalent a presque doublé, passant de 35 à 62 dollars, tandis que le prix du forfait 5 Gbit triplait chez Airtel, filiale du groupe indien Bharti.

Pour le même prix qu'avant, "je n'arrive plus à télécharger que trois fichiers" de schémas, se plaint Lupsin Enginzi, étudiant en architecture à Kinshasa, à la sortie d'un point de vente.

"Notre budget a quasiment quintuplé", témoigne Israël Mutala, directeur du site d'agrégation d'informations 7sur7.cd. La fréquentation du site chute et "nous sommes asphyxiés", ajoute-t-il.

Un député de la majorité, Patrick Muyaya, a demandé au gouvernement de venir répondre aux questions des élus en séance. Dans un entretien à l'AFP, il invite l'État à prendre des mesures pour faire "baisser au plus bas les prix" de l'accès à internet.

L'immense majorité de la population congolaise se débat dans la grande pauvreté et l'accès au web est loin d'être à la portée de tous, mais la hausse généralisée des tarifs entretient une rumeur selon laquelle le gouvernement chercherait à empêcher les gens de communiquer ou de s'informer.

"Moi je crois que c'est politique", déclare ainsi Ezbora Lubamba, gestionnaire d'un cybercafé, rappelant le "black-out" de janvier 2015, lorsque les réseaux sociaux et services de messagerie avaient été coupés pendant plusieurs semaines, sur ordre du gouvernement, à la suite d'émeutes hostiles au président Joseph Kabila.

La RDC est habituée à la violence politique. La perspective d'une présidentielle avant la fin de l'année s'éloigne chaque jour et la crispation grandit entre la majorité et l'opposition à M. Kabila, dont le mandat s'achève en décembre et à qui la Constitution interdit de se représenter.

Jeudi, l'Union nationale de la presse du Congo, réputée proche du pouvoir, a publié un communiqué dénonçant la hausse des prix de l'internet comme "une répression qui ne veut pas dire son nom".

Harcèlement fiscal

"Faux et archi-faux", répond le ministre des Télécommunications Thomas Luhaka, qui a demandé fin mai à l'autorité de régulation du secteur d'enquêter sur la hausse des tarifs qui, selon lui "frise" l'entente illégale.

Les opérateurs, eux, se font discrets. Mais plusieurs sources au sein de l'industrie expliquent que la hausse a des raisons exclusivement économiques.

Fin 2015, "nous, tous les opérateurs, avions prévenu que nous ne pouvions plus continuer comme cela", déclare-t-on ainsi dans l'équipe de direction d'un opérateur.

Mais le gouvernement a été sourd à cette supplique, ajoute-t-on, en référence à la hausse de la taxe sur le chiffre d'affaire, augmentée d'un point dans la loi de finances 2016 pour atteindre 3%.

La hausse des prix est "normale" en ce qu'elle correspond à une réalité économique, dit-on chez un autre opérateur.

Alors que les finances publiques sont durement frappées par la baisse des cours des matières premières et que les compagnies minières tirent la langue, les opérateurs se plaignent d'un véritable "harcèlement fiscal".

Mi-mars, ils ont été contraints de mettre en oeuvre une coûteuse procédure d'identification des abonnés au cours de laquelle ils disent avoir perdu 10 à 20% de clients.

En avril, alors que la monnaie nationale dévissait par rapport au dollar, entraînant une certaine inflation, le gouvernement les a empêchés d'ajuster le prix de vente des recharges téléphoniques.

"Nous travaillions à perte sur la data" et tant que la téléphonie permettait de compenser, c'était tenable, mais on ne peut pas poursuivre indéfiniment une politique "ruineuse", explique-t-on chez un opérateur.

"Deux groupes qui vendaient particulièrement à perte ont craqué et relevé leurs prix. Tout le monde s'observe et très vite les autres ont suivi", dit un autre, "il n'y a rien de coordonné".

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