Alors que le gouvernement justifie cette reconduction par la fragilité de la situation sécuritaire dans la région, sur place, les populations expriment une certaine lassitude face aux multiples restrictions de liberté que la mesure impose.
Les jeunes semblent être les plus affectés puisque la culture du poivron, principale activité économique est certes autorisée, mais ils ne peuvent toujours pas utiliser les Kabou-kabou, les taxis motos de transport en commun. Toute autre activité la nuit est également interdite.
Il y a environ 13.000 jeunes qui nourrissaient leurs familles en utilisant des taxis-motos. Ils sont tous là, aujourd'hui, les mains croisées.
Quant à ceux qui font les petits commerces de vente d'hors d'œuvre, de thé ou des omelettes, à partir de 20h, ils ne voient plus personne car les véhicules ne circulent pas, les piétons non plus à partir de 22h", regrette sur VOA Afrique Abacar Issa, président communal des jeunes de Diffa.
Cela dure trois ans, c'est pourquoi "on est vraiment fatigué de cet état d'urgence", ajoute-il.
Les incursions des éléments de la secte Boko Haram ont baissé en intensité au cours de l'année 2017. La vie a repris dans une grande partie de la région. La population collabore dans la sécurisation.
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"Quand les gens se plaignent et disent que leur liberté est restreinte, il ne faut pas les suivre pour dire à tout le monde d'aller faire ce qu'il veut. C'est une situation qu'on peut regretter après", prévient le secrétaire général de la région de Diffa, Yahaya Godi.
La situation sécuritaire s'est améliorée, c'est sûr parce qu'il "n'y a pas longtemps, des populations d'un site de déplacés sont venues nous exprimer leurs vœux de retourner dans leurs localités d'origine parce que, disaient-elles, il n'y a plus de danger, mais on ne peut pas prendre ce risque", indique le responsable administratif régional à VOA Afrique.
La reconduction systématique de la mesure d'état d'urgence aurait tout son sens si une évaluation de son impact, pas seulement sur le plan sécuritaire, est faite en amont, estiment pour les responsables de la société civile au niveau régional.
"C'est reconduit systématiquement sans évaluation, alors que les conséquences sur le plan humanitaire sont évidentes", explique Kiari Moustapha, coordonnateur régionale de l'Alternatives Espaces Citoyens à Diffa.
"La mesure a permis de vider des villages entier sur le bord de la Komadougou, les rendant encore plus vulnérables. Du coup, les insurgés ont facilement traversé la frontière pour venir faire leurs opérations, parfois sur des sites de réfugiés", rappelle l'acteur de la société.
Un autre fait confirmant le retour progressif de la paix dans la région de Diffa, c'est la main tendue des autorités du pays il y a un an aux jeunes de la région membres de la secte Boko Haram pour regagner le bercail.
Ils sont accueillis dans un centre situé à environs deux cent kilomètres de Diffa. Prévu pour prendre fin en décembre dernier, le délai de repentance est rallonger pour une durée indéterminée cette fois-ci.
Abdoul-Razak Idrissa, envoyé spécial à Diffa