M. Bédié (1993-1999, 85 ans) et M. Gbagbo (2000-2011, 74 ans), qui attend en Belgique une décision de la Cour pénale internationale, se sont rencontrés pour la première fois depuis 2010 et la crise post-électorale qui avait fait plus de 3.000 morts après le refus de Gbagbo d'admettre sa défaite face à Ouattara.
Ironie : Bédié avait apporté son soutien à Ouattara contre Gbagbo au deuxième tour de la présidentielle de 2010, et son parti, le PDCI (Parti démocratique de Côte d'Ivoire), a participé activement à la coalition au pouvoir jusqu'en 2018. Cette coalition a alors volé en éclats car Bédié estimait que la coalition devait soutenir un candidat du PDCI en 2020.
"Cette rencontre augure probablement d'une alliance électorale. Il y a des zones de désaccord forcément, mais on tait ces zones pour s'unir contre Ouattara. C'est du +Tout sauf Ouattara+ ou son successeur", estime le consultant Yves Ouya. "Historiquement, deux partis ont besoin de s'allier contre le troisième pour gagner".
"Cette rencontre a un fort écho car les gens sont inquiets qu'il y ait un remake de 2010", souligne M. Ouya. "Là on se retrouve 10 ans après avec les mêmes, avec juste un glissement d'un parti vers l'autre. C'est un échec de génération".
Lors de cet entretien, Henri Konan Bédié "s'est particulièrement réjoui de l'acquittement du président Laurent Gbagbo et lui a vivement souhaité un retour rapide en Côte d'Ivoire", selon un communiqué commun signé de leurs deux partis.
Acquitté par la Cour pénale internationale, M. Gbagbo, qui était poursuivi pour crimes contre l'humanité, est actuellement en liberté conditionnelle à Bruxelles en attendant un éventuel procès en appel.
- "Non-événement" -
"Dans le cadre de l'organisation d'élections justes, transparentes et équitables en 2020", les deux hommes "ont appelé le gouvernement à procéder à une réforme profonde de la Commission électorale indépendante (CEI) afin qu'elle puisse contribuer significativement à la consolidation de la paix sociale en Côte d'Ivoire".
L'actuelle réforme de la CEI, qui doit être entérinée dans les prochains jours par l'Assemblée nationale, est décriée par l'opposition qui juge qu'elle ne présente pas des garanties d'indépendance suffisantes.
La crédibilité de la CEI est jugée cruciale en vue de la présidentielle de 2020, qui s'annonce tendue.
Pour le politologue Jean Alabro, cette alliance, "même si elle ne donne pas lieu à un pacte électoral", montre que les opposants "ne veulent pas forcément une belle mariée mais le départ de Ouattara. Ca envoie un signal à tous ceux qui veulent son départ. C'est une dynamique qui se met en marche pour faire partir Ouattara ou son successeur".
Du côté du pouvoir, le porte-parole du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), Kobenan Kouassi Adjoumani, a qualifié cette rencontre de "non-événement". "C'est regrettable pour quelqu'un qui est un ancien chef d'Etat (...) Il sait ce qui s'est passé pendant la crise. Il avait en son temps condamné Laurent Gbagbo (...) responsable de milliers de morts", a-t-il déclaré à l'AFP.
"Nous n'avons peur d'aucune coalition. Bédié n'a plus de soldats pour combattre. Le PDCI-Daoukro (village natal de Bédié) envisage une alliance avec le FPI (Front populaire ivoirien, le parti de Gbagbo) qui lui-même est divisé... (Cette volonté) n'est pas partagée par les militants du PDCI", a estimé M Adjoumani, lui-même ancien du PDCI.
"C'est de la politique politicienne. Qu'il veuille mettre en place une stratégie pour reconquérir le pouvoir, c'est son problème. Nous, nous travaillons pour que les Ivoiriens vivent en parfaite harmonie, pour que le pays se développe et pour chaque Ivoirien ait le minimum pour faire face à ses besoins", a-t-il ajouté, promettant une victoire "propre" du RHDP en 2020 "au premier tour".
Avec AFP