La campagne de reboisement a duré deux jours à Amboanio, un hameau d'une cinquantaine d'habitants de la région de Melaky, dans l'ouest de l'île. Parmi les volontaires, Clément Joseph Rabenandrasana, 36 ans. La mangrove "protège contre le changement climatique, la montée du niveau de la mer", explique ce pêcheur de crabes.
C'est à quelques kilomètres de là, près du village de Beanjavilo isolé entre mer et mangroves, qu'il relève en pirogue ses filets à crabes, dans les canaux entre les palétuviers.
Sous l'impulsion du WWF, qui participe aussi à la restauration des mangroves, les pêcheurs sont incités à ramasser les crabes de plus de 10 centimètres, qui se vendront mieux, en épargnant les petits et les femelles avec des oeufs.
Réunis en coopérative pour avoir plus de poids, ils les vendent ensuite à la société industrielle Copefrito à un prix négocié.
Résultat, Clément Joseph Rabenandrasana a vu le prix de vente de ses crabes multiplié par quatre.
Le but de ce programme: préserver la mangrove en améliorant la vie des pêcheurs dont les revenus évoluent entre 50 et 80 euros par mois.
La région compte environ 50.000 hectares de mangroves, sur 320.000 pour toute l'île, dont une partie est menacée. "On a pris conscience très tardivement de l'importance de cet écosystème", explique Eric Ramanitra du WWF.
>> Lire aussi : Au Sénégal, la préservation de la mangrove est une question de survie
Les villageois coupent des palétuviers pour construire leurs cases et les clôtures et pour cuisiner. "Avant je détruisais la mangrove pour avoir de l'argent", reconnaît Clément Joseph Rabenandrasana, qui revendait le bois pour la construction. Sensibilisé par l'ONG, il a arrêté cette activité.
"Aujourd'hui, il y a des zones dédiées, il faut l'accord de la communauté locale pour couper et respecter des tailles minimum", indique Eric Ramanitra.
Surtout, les mangroves sont menacées par l'élévation du niveau de la mer et l'ensablement venu de l'amont des rivières qui rompt le fragile équilibre entre eau douce et salée dont ont besoin les palétuviers pour s'épanouir. Avec la mort des arbres, l'érosion ronge les rives, chargeant les rivières d'un limon rouge visible jusque dans la mer. "La mer ne cesse de monter de niveau. Elle emporte tout avec elle !", se désole M. Rabenandrasana.
Restauration active
Une mauvaise nouvelle, quand Madagascar fait partie des 15 pays les plus touchés par des événements climatiques extrêmes entre 1997 et 2016, selon l'ONG Germanwatch.
Les mangroves jouent un rôle de protection indispensable. Elles peuvent atténuer la force des vagues en cas de cyclone, protégeant les villages, et sont de formidables puits à carbone. Elles servent aussi de nurseries aux poissons, aux crabes et aux crevettes - l'"or rose" de Madagascar - et abritent des animaux endémiques comme le pygargue de Madagascar, un rapace.
La population ne mesure pas toujours leur importance. Des migrants, venus de l'arrière pays pour assurer leur survie, connaissent encore moins ce milieu. "Je ne savais pas que les poissons pondent leurs oeufs dans la mangrove", confie Samuel Razafimamonjy, 59 ans, ancien vendeur de tissus venu de Fianarantsoa, dans l'intérieur des terres, la peau tannée après dix ans dans la région à pêcher en mer en pirogue.
Lors des opérations de repiquage menées de janvier à avril par des volontaires, seules deux espèces de palétuviers sont replantées sur les huit présents sur l'île.
"il peut y avoir une tendance à la monoculture", critique Jacques Iltis, géographe à l'Institut de recherche pour le développement. Mais la restauration active reste pour lui la meilleure méthode pour obtenir "l'adhésion des communautés". Dans un pays secoué par les crises politiques et rongé par la corruption, l'objectif est de transférer la gestion des ressources aux communautés locales.
Avec AFP