D’après un panel d’experts réunis à Yaoundé sous l’égide de la Fondation Friedrich Ebert, les premières mesures barrières prises le 17 mars dernier contre le coronavirus ont affecté toute la chaîne de production alimentaire du pays.
Conséquence, "4,8 millions de personnes sont menacées par l'insécurité alimentaire dans les dix régions du Cameroun, soit 700.000 ménages", a révélé l'ingénieur agro-socio économiste Bonas Tsaffo, au cours d’un atelier de réflexion sur "la sécurité alimentaire à l’heure du Covid-19, vulnérabilités, opportunités et perspectives au Cameroun".
Pourtant au début du mois de mars, le nombre de personnes en situation d'insécurité alimentaire était estimé à 2,6 millions. Si le chiffre a doublé, c'est à cause de l’impact des restrictions prises par le gouvernement pour lutter contre le virus.
Bonas Tsaffo, en service au ministère de l’Agriculture et du développement rural, explique que "les chaînes d'approvisionnement alimentaire sont perturbées par les restrictions de mouvements, le comportement d'évitement des travailleurs, l’accès restreint aux exploitations agricoles. On constate aussi, la disponibilité limitée d'intrants agricoles qui est un autre défi pour la poursuite de la production agropastorale".
De ce fait, les petites productrices agricoles et les populations des zones rurales sont encore plus exposées à l’insécurité alimentaire. Notamment dans les deux régions anglophones en proie à une crise sécuritaire depuis novembre 2016. Là-bas, l'impact du coronavirus s’est aussi traduit par la baisse de la demande dans les ménages.
"Cette faible demande est due en partie au faible pouvoir d'achat des habitants du village qui dépendent des membres de leur famille travaillant dans des villes urbaines comme Bamenda, Douala, Yaoundé, Bafoussam", témoigne depuis la ville de Bamenda Florence Mbangang, une productrice et vendeuse.
Elle ajoute : "certains de ces membres de la famille ont perdu leur emploi ou subi des réductions de salaire en raison de l'impact de Covid-19 sur les pertes et les réductions de salaire de leur entreprise".
Baisse de vente de poulets
Les mesures barrières prises par le gouvernement telles que le confinement, les interdictions de voyager, la fermeture des frontières, la limitation des heures d’ouverture des établissements de vente des produits alimentaires ont également fortement affecté le secteur de l’élevage.
"Ces mesures ont créé le manque de la main d’œuvre et l’accès aux marchés, la psychose des investisseurs, des fermiers, les difficultés d’approvisionnement des intrants, des produits vétérinaires", commente Hamadou Adama Laminou, ingénieur des Industries animales.
Il présente un tableau peu reluisant du secteur de l’élevage à l’heure du coronavirus. "Des milliers de poussins d’un jour ont été détruits tous les jours pendant le confinement, des œufs versés dans les brousses par manque d’acheteurs, les exploitations avicoles ont fermé pour manque de matières premières pour la fabrication des aliments", indique l'ingénieur.
Mesures d’atténuation
La limitation des activités d’exportation par fret a rendu un autre secteur des échanges très vulnérable.
"Les espaces frets ont été drastiquement réduits, les entreprises des fruits et légumes perdent 12,5T de marchandises par semaine, et seuls 1/3 sont écoulées sur les marchés alternatifs généralement les marchés locaux qui sont vite saturés parce que n’étant pas préparés à encaisser une telle demande", explique Guy Jacques Wamba, consultant.
Face au risque très élevé d’une crise alimentaire au Cameroun, les experts recommandent au gouvernement la distribution de l’aide alimentaire d'urgence aux populations vulnérables ou encore l’élaboration d’un plan d'approvisionnement en intrants agricoles, produits phytosanitaires et semences végétales.