Pour ces partisans, l'intervention, comme tant d'autres ces dernières semaines, illustre la détermination du parti au pouvoir à ne pas laisser la moindre chance à l'opposition.
L'élection du président et du Parlement est prévue le 23 août dans ce pays enclavé d'Afrique australe, riche en or et minéraux, où le niveau d'éducation reste élevé et les citoyens passionnés par le jeu politique, même si beaucoup sont désabusés. Le Zanu-PF domine depuis l'indépendance, il y a 43 ans, et le pays a déjà connu des scrutins entachés d'irrégularités: peu s'attendent à un scrutin libre, beaucoup redoutent de la fraude.
Ce sera "une façade d'élection", avance Nic Cheeseman, spécialiste des procesus démocratiques à l'université de Birmingham. "Le parti au pouvoir a pris des mesures pour contrôler l'élection de A à Z". La course va se jouer entre le président sortant Emmerson Mnangagwa, 80 ans, et le "jeune homme" Nelson Chamisa, 45 ans, qui a réuni le gros de l'opposition sous la houlette de la Coalition des citoyens pour le changement (CCC), le Triple C comme l'appelle la rue, dont le jaune est la couleur.
Le Parlement a adopté une loi liberticide en juin, qui musèle la société civile et limite la possibilité de critiquer le gouvernement, dénonce l'opposition. Des élus ont été arrêtés, des dizaines d'événements de la CCC empêchés et le parti se plaint du peu de temps d'antenne qui lui est accordé à la télévision publique.
Démoralisés
Les militants avaient choisi samedi une action de terrain pour contourner l'interdiction de plusieurs meetings. Mais quand le quartier leur a ouvert les portes et qu'une petite foule a commencé à suivre une voiture diffusant des jingles électoraux, une dizaine de policiers sont apparus.
Ils ont fait éteindre la musique et ordonné aux gens de rentrer chez eux. "D'abord ils interdisent nos rassemblements, maintenant on ne peux plus faire de porte-à-porte?", s'interroge auprès de l'AFP une militante, Rosemary Muriva. "On nous démoralise", râle Grandmore Hakata, qui se présente comme député.
L'ambiance était toute autre la veille, dans le township de Tafara, où des militants enjoués du Zanu-PF grimpaient à bord d'autobus en direction d'un meeting. "Notre dirigeant est le meilleur. On irait n'importe où pour le soutenir", dit Given Mamike, 39 ans.
Ce jour-là, le boxeur américain Floyd Mayweather était arrivé en avion pour rencontrer Emmerson Mnangagwa, qui a succédé en 2017 à l'homme fort Robert Mugabe à la faveur d'un coup d'Etat. "Le président est incroyable", déclarait la star après son entretien, une écharpe aux couleurs du Zimbabwe autour du cou.
Economie sinistrée
Lors de la dernière présidentielle en 2018, M. Chamisa, déjà le candidat de l'opposition, avait perdu de peu face à M. Mnangagwa. Il avait contesté le vote mais ses recours avaient été rejetés. L'armée avait ouvert le feu sur des manifestants criant à la fraude, six personnes avaient été tuées.
Cette fois, l'avocat et pasteur charismatique espère surfer sur le fort mécontentement lié à une économie gravement sinistrée entre corruption, pauvreté et chômage. L'hyperinflation de ce pays agricole de 15 millions a atteint 175,8% en juin, selon les chiffres officiels, mais certains économistes tablent sur près de mille.
L'opposition est traditionnellement forte dans les villes, moins implantée dans les campagnes. Certains redoutent de nouvelles violences. "Nous voulons paix et unité", a plaidé la semaine dernière le président, surnommé "le crocodile" pour son caractère impitoyable. Au-delà d'une majorité, il aurait besoin d'une forte participation pour être conforté à la tête du pays, avancent certains observateurs.
Cible de sanctions occidentales pour corruption et violations de droits, le Zimbabwe cherche depuis longtemps à sortir de son isolement. "Je n'ai jamais vu un candidat présidentiel aussi désespéré de gagner", note Ibbo Mandaza, politologue basé à Harare.
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