Laissé exsangue par la longue guerre civile qui a ruiné le pays de 1976 à 1992, le parc national du Gorongosa s'est petit à petit remis sur pied. Mais le retour des combats dans le centre du pays et une grave sécheresse le menacent à nouveau.
Au milieu des plaines centrales du Gorongosa, des ruines de maisons de chasse construites dans les années 1940 donnent l'impression d'un lieu abandonné.
Les éléphants et les buffles se font encore rares dans la réserve de 4.000 km2 mais le parc renaît lentement de ses cendres après la guerre civile qui a décimé l'ensemble des espèces.
Grâce à l'action d'un philanthrope américain, Greg Carr, un grand projet de restauration a vu le jour en 2004.
"Avant le lancement du projet, le parc était dans une phase d'extinction. Actuellement, en terme de reproduction de ces animaux, il y a des signaux très positifs, les nombres augmentent", déclare à l'AFP Pedro Muagura, directeur de la conservation du Gorongosa.
Avec 20 espèces (éléphants, zèbres, buffles, guépards...) et plus de 72.000 animaux, la réserve est belle et bien remise sur pied.
Mais depuis 2013, au nord du parc, des combats sporadiques ont repris entre l'armée et les rebelles de la Renamo, le principal parti d'opposition, dont le leader Afonso Dhlakama est retranché dans la verdoyante montagne qui jouxte le parc.
Le Gorongosa n'est pas fermé par des barrières et les villageois qui fuient le retour de la guerre viennent s'y réfugier facilement.
En uniforme de ranger, Pedro Muagura s'apprête à sillonner le parc toute la nuit en compagnie de son équipe pour traquer les braconniers.
Si le Mozambique est connu pour son laxisme en la matière, le Gorongosa a quadruplé ses effectifs et 150 gardes-chasse sont aujourd'hui formés.
"Avec les combats, le parc est une cible car les populations ne peuvent plus cultiver suffisamment et chassent les animaux pour les consommer", explique Pedro Muagura.
"Pendant la guerre civile, ils ont tout détruit et nous avons reconstruit. Mais aujourd'hui, ça recommence et je ne sais pas ce qu'il va se passer", soupire Menesses Sousa, la "mémoire" du Gorongosa où il est employé depuis 1974.
- Déserté par les touristes -
Au bout de la piste qui fend une épaisse forêt où de petits singes sautent de branche en branche, la grande piscine d'un hôtel haut de gamme se dessine.
Entièrement rénové en 2012, l'établissement est aujourd'hui quasiment vide. Les touristes, effrayés par le retour des combats, ont déserté l'endroit et seuls quelques chercheurs peuplent les huttes cossues de l'hôtel.
En 2012, le parc avait enregistré 7.000 visites. Et si les combats ont seulement lieu à l'extrême nord de la réserve, le chiffre est tombé en dessous de 1.000 cette année, essentiellement des expatriés venant de Maputo, selon l'administration du parc.
"Cette nuit, nous avons quatre touristes. Tous les autres occupants travaillent de manière directe ou indirecte pour le parc", note Paolo Matos, le gérant de l'hôtel qui est arrivé en 2013, quelques semaines avant la reprises des hostilités.
"Nous perdons beaucoup d'argent", ajoute le manager qui "garde espoir" cependant pour le futur.
Mais en plus de la guerre, le Gonrogosa doit affronter la terrible sécheresse qui frappe l'Afrique australe depuis deux ans.
Malgré sa végétation toujours luxuriante, de nombreux petits cours d'eau sont quasiment à sec et les animaux contraints de se regrouper aux points d'eau deviennent des cibles faciles pour les braconniers.
"Le manque d'eau pour les animaux est un problème car du coup ils sont moins dispersés, ce qui facilite les choses pour les braconniers", note Pedro Muagura.
Dans son projet de réhabilitation, le parc consacre un large volet à la sensibilisation des communautés locales.
"Nous essayons d'offrir des moyens de subsistance alternatifs aux villageois en développant par exemple des programmes d'agriculture pour eux", explique à l'AFP Manuel Mutimucuio, directeur du développement humain pour le parc.
Si beaucoup d'éléments semblent réunis pour empêcher la renaissance du Gorongosa - l'endroit du danger et de la mort, en langue locale sena - les employés de la réserve veulent croire en des jours meilleurs.
Des pourparlers de paix ont repris entre le gouvernement et la Renamo dans la capitale: un motif d'espoir pour un parc qui revient de loin.
Avec AFP