Le conseil municipal de Freetown, capitale tropicale de l'un des pays les plus pauvres au monde, a nommé Eugenia Kargbo "Chief Heat Officer" (responsable chaleur) en octobre, imitant en cela Miami (Etats-Unis) ou Athènes.
"Les villes sont les plus touchées par les effets de la chaleur extrême. Freetown ne fait pas exception", dit-elle dans son bureau à la municipalité.
"Nous assistons en ce moment à des changements spectaculaires des modèles climatiques, nous connaissons des saisons sèches (typiquement décembre à avril) plus longues et des saisons des pluies plus courtes, avec des chaleurs extrêmes y compris pendant la saison des pluies et la nuit, ce qui n'était pas le cas avant", constate-t-elle.
Freetown, au bord de l'Atlantique, a déjà entrepris en 2020 avec le soutien des Nations unies et d'une organisation catholique américaine de planter un million d'arbres en trois ans. La maire Yvonne Aki-Sawyerr, une professionnelle de la finance diplômée à Londres et distinguée autrefois par son engagement contre Ebola (2014-2016), a promis de transformer la capitale de plus d'un million d'habitants qui a fait d'elle la première femme élue à sa tête en 2018.
La restauration d'un environnement dégradé et l'assainissement d'une ville dont la moitié des administrés n'ont pas accès à l'eau courante figurent parmi ses grands chantiers.
Eugenia Kargbo, 34 ans, jusqu'alors employée à l'assainissement et à la création d'emplois pour les jeunes par l'entreprenariat vert, entend contribuer à mener à bien le projet de transformer Freetown en Treetown (la ville-arbre). Environ la moitié du million d'arbres prévus ont été plantés, dit la municipalité.
La municipalité aménage d'anciennes décharges en espaces verts et restructure les bidonvilles surpeuplés où vivent un tiers des habitants.
Eugenia Kargbo doit à présent élaborer la politique anti-chaleur de la ville où la température peut avoisiner les 40 degrés pendant la saison sèche et où l'humidité est élevée.
Jouer "collectif"
Titulaire d'un MBA en entreprenariat de l'Université de Milan (Italie) obtenu après des études en sciences sociales, elle était entrée dans la vie professionnelle comme chargée de clientèle dans une banque ouest-africaine de la capitale sierra-léonaise.
Son nouveau rôle "est de travailler avec les partenaires locaux et internationaux et les agences gouvernementales à présenter une stratégie contre la chaleur", dit-elle.
Elle veut associer les plus vulnérables. "Les habitats informels sont les plus touchés par la chaleur extrême parce qu'on y vit dans des maisons qui ne sont pas aux normes", dit-elle. Il s'agit d'aider les populations face à la canicule, mais aussi aux inondations ou aux glissements de terrain, ajoute-t-elle.
L'histoire contemporaine de Freetown a été marquée par les épreuves, à l'image de l'ancienne colonie britannique, qui se remettait encore d'une guerre civile brutale de 1991 à 2002 et de l'épidémie d'Ebola quand elle a été touchée par la pandémie de Covid-19.
En 2017, un gigantesque glissement de terrain après des jours de pluies intenses avait fait des centaines de morts dans la banlieue de Freetown. En novembre, l'explosion accidentelle d'un camion citerne a fait près de 150 morts.
Eugenia Kargbo a accordé une attention particulière à la récente conférence climat COP26.
"Ce qui était important pour moi, c'était d'entendre plusieurs personnes de différentes parties du monde parler d'injustice climatique", dit cette mère de deux enfants. "Les villes et les pays du Sud sont ceux qui contribuent le moins aux émissions, mais ce sont eux qui sont le plus touchés".
La réponse au "changement climatique est une urgence. Il faut un effort collectif. Il s'agit de Freetown, de la Sierra Leone, du continent africain, du monde entier. Nous sommes menacés. Nous devons agir rapidement et ensemble", dit-elle.