Le président somalien Mohamed Abdullahi Mohamed a annoncé lundi la suspension du Premier ministre Mohamed Hussein Roble, au lendemain d'un différend public à propos des élections, longtemps retardées dans ce pays instable de la Corne de l'Afrique.
"Le président a décidé de suspendre le Premier ministre Mohamed Hussein Roble et de mettre fin à ses pouvoirs en raison de ses liens avec la corruption", a indiqué le bureau du président dans un communiqué, en accusant le Premier ministre d'interférer dans une enquête sur une affaire d'appropriation de terres.
Les tensions entre le président Mohamed Abdullahi Mohamed, dit Farmajo, et son Premier ministre, Mohamed Hussein Roble, sont récurrentes.
Dimanche, le Premier ministre a accusé le président de saboter le processus électoral, après la décision du chef de l'Etat de lui retirer la charge d'organiser les élections, longuement attendues et à l'origine d'une grave crise institutionnelle.
M. Roble, qui n'a pas immédiatement réagi lundi à sa suspension par le président, avait souligné que le chef de l'Etat ne voulait pas organiser "des élections crédibles" dans le pays.
Samedi soir, le président avait annoncé dans un communiqué que "le Premier ministre a failli à son devoir de mener une élection qui soit basée sur l'accord du 17 septembre 2020", à propos de cet accord signé il y a plus de 15 mois et qui devait servir de ligne directrice au scrutin.
Le président a appelé à la tenue d'une conférence consultative, réunissant le gouvernement fédéral, les Etats somaliens et les autorités de la capitale Mogadiscio, pour sélectionner "un leadership compétent" qui mène à bien le processus électoral, qui inclut l'élection des représentants des chambres haute et basse du Parlement ainsi que celle du président.
Dans un communiqué publié dimanche, M. Roble a estimé que "cette déclaration visait délibérément à miner le processus électoral à son étape cruciale".
Cette décision était intervenue quelques heures après le limogeage du président de la commission électorale, que ce dernier a contesté.
Bras de fer
Président depuis 2017, Farmajo a vu son mandat expirer le 8 février sans avoir pu s'entendre avec les dirigeants régionaux sur l'organisation des élections, régies en Somalie par un système électoral complexe et indirect.
L'annonce mi-avril de la prolongation de son mandat pour deux ans avait provoqué des affrontements armés à Mogadiscio.
Dans un geste d'apaisement, Farmajo avait chargé M. Roble d'organiser les élections. Mais dans les mois qui ont suivi, les tensions entre les deux hommes ont perduré et leur bras de fer a culminé le 16 septembre avec l'annonce par le chef de l'Etat de la suspension des pouvoirs exécutifs du Premier ministre, décision rejetée par ce dernier.
Farmajo et Roble ont finalement accepté d'enterrer la hache de guerre fin octobre, lançant un appel commun à accélérer le processus électoral.
Les élections pour la chambre haute sont terminées dans tous les États, à l'exception de Galmudug, et les votes ont commencé début novembre pour la chambre basse.
Mais la désignation d'un président, quelque dix mois après la fin du mandat de Farmajo, semble encore lointaine.
Dimanche, les Etats-Unis se sont déclarés "profondément inquiets par les retards persistants et les irrégularités de procédures qui minent la crédibilité du processus électoral".
De nombreux observateurs estiment en outre que la crise au sommet de l'Etat et l'impasse électorale détournent l'attention de problèmes plus importants pour la Somalie, et notamment l'insurrection des shebab qui secoue le pays depuis 2007.
Bien qu'évincés de Mogadiscio par la force de l'Union africaine (Amisom) en 2011, les shebab contrôlent de vastes zones rurales et mènent régulièrement des attentats dans la capitale.