Cette dernière éruption de violences représente un nouvel accroc au fragile accord de paix signé en août 2015 entre le président Kiir et le chef de la rébellion à l'époque, Riek Machar, dont les forces s'affrontent depuis décembre 2013. M. Machar était redevenu vice-président à la faveur de l'accord de paix, censé avoir mis fin à deux ans et demi d'une guerre civile dévastatrice.
Ces heurts ont encore plus assombri le jour anniversaire de l'indépendance du plus jeune Etat du monde. L'accord de paix ne tient qu'à un fil et la population n'a jamais eu aussi faim.
A la différence des années précédentes, aucune célébration de l'indépendance n'était organisée, officiellement pour manque de fonds.
Vendredi soir, de violents tirs ont d'abord été entendus aux abords immédiats du palais présidentiel, où MM. Kiir et Machar préparaient un communiqué commun sur un premier incident survenu la veille. Jeudi, des soldats fidèles au président Kiir avaient alors été tués lors d'un échange de coups de feux avec d'anciens rebelles.
Vendredi soir, les tirs d'armes automatiques, puis de mitrailleuses et d'artillerie lourde ont été entendus en différents lieux de la capitale pendant environ une demi-heure.
Samedi, un porte-parole de Riek Machar, Roman Nyarji, a annoncé un bilan de "plus de 150 morts". "Ce bilan pourrait s'alourdir car les deux unités de la garde présidentielle se sont affrontées dans ces combats hier", a-t-il dit en référence aux soldats chargés de la protection des deux dirigeants.
Le calme était revenu apparemment après un appel lancé conjointement par MM. Kiir et Machar à leurs forces respectives. Les dirigeants n'ont pas donné d'explications sur l'origine des tirs, se contentant de qualifier ces incidents de "malheureux".
"Ne pas perdre espoir"
Ce calme fragile persistait samedi à Juba, mais la tension restait vive. Les forces de sécurité patrouillaient en nombre et peu de civils s'aventuraient dans les rues.
Signe de la gravité de la situation, le ministère britannique des Affaires étrangères a déconseillé samedi "tout voyage au Soudan du Sud" à cause de la dégradation des conditions de sécurité à Juba, et a conseillé à ses ressortissants de quitter le pays.
"Le personnel de l'ambassade britannique est confiné et nous le réduisons au seul personnel essentiel", indiquait également le ministère dans la rubrique des conseils aux voyageurs de son site internet.
Ce regain de violence à Juba s'est produit au moment où le Soudan du Sud marque le cinquième anniversaire de son indépendance gagnée sur le Soudan après une longue guerre. Mais la moitié de ces cinq années d'existence a été endeuillée par un violent conflit interne alimenté par la rivalité entre MM. Kiir et Machar.
Depuis décembre 2013, les combats ont fait plusieurs dizaines de milliers de morts. Ils ont provoqué une crise humanitaire, forçant près de trois millions d'habitants à fuir leurs foyers et quelque cinq millions, plus d'un tiers de la population, à dépendre d'une aide alimentaire d'urgence.
Dans le cadre de l'accord de paix entre MM. Kiir et Machar, ce dernier est revenu en avril à Juba où il a été réinstallé vice-président et a formé avec M. Kiir un gouvernement d'union nationale.
Mais sur le terrain, les hostilités se poursuivent actuellement dans plusieurs régions. Fin juin, un responsable d'une commission de surveillance du cessez-le-feu avait qualifié le niveau de ces violences d'"épouvantable".
Interrogé par l'AFP, Peter Mawa, un enseignant de 40 ans, a confié entretenir "des sentiments mitigés" sur la situation du pays. "Je pense que nous avons de bonnes raisons de célébrer (l'indépendance), même si cela doit se faire à la maison. Les Soudanais du Sud ne doivent pas perdre espoir parce que tout ira bien pour le Soudan du Sud un jour".
Avec AFP