Le Soudan du Sud ne célébrera pas en juillet le cinquième anniversaire de son indépendance, a annoncé mardi le plus jeune pays au monde, invoquant une économie ravagée par une guerre civile meurtrière dont il peine à sortir.
Cette annonce intervient après des affrontements ce weekend, provoqués "par des éléments opposés à la paix et soutenus par des combattants tribaux" selon l'armée, et fatals à au moins 43 personnes (39 civils et 4 policiers) à Wau, ville située à 650 kilomètres au nord-ouest de la capitale Juba.
"Ce sont les corps qui ont été retrouvés jusqu'à présent, mais le nettoyage continue", a déclaré mardi le ministre sud-soudanais de l'Information, Michael Makuei. "Le bilan va probablement s'alourdir", a prévenu ce responsable, alors que les Casques bleus de la mission de l'ONU au Soudan du Sud (Unmiss) ont ouvert les portes de leur base à plus de 10.000 civils déplacés par ces violences.
L'absence de célébrations pour le 5e anniversaire d'un pays qui avait fièrement hissé son drapeau le 9 juillet 2011 après des décennies de guerre civile avec le Soudan, est avant tout due à une économie exsangue forçant les autorités à plus de sobriété, a précisé mardi le ministre Makuei.
"Nous avons décidé de ne pas célébrer le jour de l'Indépendance, le 9 juillet, parce que nous ne souhaitons pas dépenser trop d'argent", a déclaré mardi M. Makuei, précisant que le chef de l'Etat, Salva Kiir, s'adressera néanmoins à la nation.
Tensions Kiir/Machar
Les années précédentes, même au plus fort d'une guerre civile débutée en décembre 2013 et caractérisée par des atrocités à caractère ethnique, des viols et des tortures, la fête de l'Indépendance avait été marquée par des parades militaires et autres célébrations. Mais l'encre de la paix à peine séchée, les tensions restent vives au coeur du pouvoir sud-soudanais.
MM. Kiir et l'ex-rebelle Riek Machar ont beau avoir formé un gouvernement d'union nationale, comme prévu par un accord de paix signé le 26 août 2015, les combats continuent en divers endroits du pays entre des milices aux intérêts souvent locaux et ne s'estimant pas concernées par cet accord.
En tout, plus de 160.000 civils sont actuellement établis dans des camps de l'ONU à travers le pays, contre environ 200.000 au plus fort de la guerre civile, qui a fait des dizaines de milliers de morts (le bilan exact reste inconnu) et plus de 2,3 millions de déplacés.
L'ancien président du Botswana, Festus Mogae, qui préside la Commission de surveillance et d'évaluation de l'accord de paix (JMEC), avait affirmé la semaine dernière que les progrès espérés par l'accord de paix "ne s'étaient pas matérialisés" et que "si les parties ont bougé l'une par rapport à l'autre, c'est uniquement pour s'éloigner".
Deux mois après le retour de M. Machar à Juba, les deux camps restent à couteaux tirés, incapables de s'entendre sur les lieux de cantonnement de leurs armées respectives. "Il est d'une importance cruciale que les deux parties s'engagent à un cessez-le-feu permanent, et qu'ils s'y tiennent sans retard", selon M. Mogae.
Une inflation de près de 300%
Après deux ans et demi de conflit interne, l'économie sud-soudanaise est, elle, en ruines. Le pays peine à juguler une inflation galopante de près de 300%, une corruption endémique et la chute des revenus pétroliers, quasi unique source de devises étrangères pour Juba.
Résultat, la livre sud-soudanaise a chuté d'environ 90% depuis la mi-décembre, ce qui explique en grande partie l'inflation dans ce pays qui importe encore l'essentiel de ses biens.
Le Fonds monétaire international (FMI) avait affirmé récemment que les réserves de la Banque centrale "sont désormais à peine suffisantes" pour assurer les importations du pays "pendant quelques jours". Le déficit budgétaire devrait atteindre 1,1 milliard de dollars cette année, soit 25% du PIB.
A Juba, des diplomates assurent que le pays a emprunté de l'argent contre la promesse d'une production future de pétrole. Parallèlement, le Conseil de sécurité de l'ONU a ordonné fin mai un rapport sur l'acheminement en armes vers le Soudan du Sud après que des experts lui eurent indiqué que gouvernement et rebelles continuaient chacun d'augmenter leur arsenal.
Avec AFP