Depuis le 15 avril, au moins 550 personnes ont été tuées, principalement à Khartoum et au Darfour, dans l'ouest frontalier du Tchad. Des centaines de milliers de Soudanais sont désormais déplacés ou réfugiés dans les pays voisins qui redoutent une contagion de la crise.
"C'est une catastrophe", affirme M. Nour à l'AFP à Juba, au Soudan du Sud où il vit exilé. "Il ne peut y avoir de vainqueur dans cette guerre" pour laquelle aucune issue ne semble en vue malgré de nombreuses négociations en Afrique et au Moyen-Orient, poursuit-il.
De la politique aux armes
"Nous appelons les deux camps à respecter le cessez-le-feu", ajoute-t-il alors que de multiples trêves ont été violées dès leur entrée en vigueur dans le pays de 45 millions d'habitants, l'un des plus pauvres au monde.
Pour M. Nour, la guerre entre le chef de l'armée, Abdel Fattah al-Burhane, et le patron des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), Mohamed Hamdane Daglo, était prévisible. "C'est une lutte politique qui s'est militarisée", dit-il.
En 2019, les deux généraux avaient participé à l'éviction du dictateur Omar el-Béchir sous la pression de la rue. Ils ont ensuite pris les rênes de la transition avec un gouvernement civil. Mais en octobre 2021, leur coup d'Etat a refermé la parenthèse démocratique, l'une des rares de l'histoire du Soudan indépendant.
Le principal différend entre les deux généraux a refait surface récemment: incapables de s'accorder sur les modalités et le calendrier de l'intégration des FSR dans l'armée, ils ont retourné leurs armes l'un contre l'autre.
Ces deux hommes, Abdelwahid Nour les connaît depuis l'époque de la guerre du Darfour, lancée en 2003 entre Khartoum et des rebelles issus de minorités ethniques. Le conflit a fait environ 300.000 morts et 2,5 millions de déplacés, selon l'ONU, et valu à Béchir deux mandats d'arrêt pour "crimes de guerre", "crimes contre l'humanité" et "génocide".
A l'époque, le général Burhane était commandant dans l'armée au Darfour, et Daglo, dit "Hemedti", était lui à la tête des Janjawids, ces miliciens arabes qui ont ravagé le Darfour en massacrant des minorités ethniques non-arabes pour le compte de Béchir, et maintenant intégrés aux FSR.
"Bras armé de Béchir"
Pour M. Nour, "l'armée et Burhane en personne ont supervisé la création des Janjawids. Les deux camps qui se battent aujourd'hui étaient à l'époque le bras armé de la répression de Béchir", accuse celui qui combattait avec son Mouvement de libération du Soudan (MLS) dans l'autre camp, celui des minorités non-arabes.
Le rebelle de 55 ans est issu du peuple Four, dont le Darfour tire son nom, et conserve une influence dans sa région d'origine. C'est là que les combats entre militaires, paramilitaires, tribus et civils armés ont fait ces derniers jours une centaine de morts, selon l'ONU. Les pillages et les saccages n'ont épargné ni hôpitaux ni marchés ni stocks d'aide humanitaire.
M. Nour assure qu'aucun de ses hommes ne se bat actuellement car il a décrété en 2016 "un cessez-le-feu unilatéral". En 2020 pourtant, des experts de l'ONU assuraient qu'il recevait des "fonds et du soutien logistique" en échange de l'envoi de mercenaires en Libye. Lui dément.
Sur les plus de 330.000 déplacés de ces dernières semaines, près des trois quarts fuient les violences au Darfour-Ouest et au Darfour-Sud, selon l'ONU. Cette nouvelle guerre "aggrave les souffrances" au Darfour où les armes sont légion et les violences fréquentes, souvent pour l'eau ou les terres, assure M. Nour.
Pour lui, le Darfour subit toujours "nettoyages ethniques, crimes de guerre et crimes contre l'humanité" et c'est pour cela qu'en 2020, il a été l'un des rares chefs rebelles à n'avoir pas signé l'accord de paix avec le pouvoir d'alors, partagé par civils et militaires.
Aujourd'hui, alors que les deux généraux promettent de remettre le pouvoir à des civils, sans jamais avancer de date, M. Nour les renvoie dos-à-dos. "Le peuple soudanais ne veut aucun d'eux, il veut un gouvernement civil", dit-il: "Il n'acceptera jamais un pouvoir militaire".