Après cinq ans d'enquête, les juges d'instruction Serge Tournaire, Aude Buresi et Clément Herbo l'ont mis en examen (inculpé) pour "recel de détournements de fonds publics libyens", "financement illégal de campagne électorale" et "corruption passive".
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Placé pendant plus de 24 heures sous le feu des questions des policiers de l'office anticorruption puis des juges, l'ex-président s'est défendu pied à pied et a dénoncé "l'inanité des preuves" du clan libyen, selon le compte-rendu de ses auditions, dont l'AFP a eu connaissance.
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Mais M. Sarkozy a aussi souvent plaidé l'ignorance et tenté de se défausser sur son entourage. "Je n'en ai aucune idée", "ce nom n'évoque strictement rien pour moi", "vous me l'apprenez", dit-il au fil de ses ripostes.
'La bande de Kadhafi'
Devant les policiers, il attaque ainsi la "bande de Kadhafi", qui tenterait "depuis maintenant sept ans" de le "disqualifier sans apporter la moindre preuve".
Nicolas Sarkozy s'est dit convaincu de l'existence d'un "complot" ourdi contre lui suite à l'intervention militaire en Libye menée sous l'impulsion de la France à partir de mars 2011. Par la suite, plusieurs dignitaires libyens ont évoqué un financement libyen de sa campagne.
D'après l'enquête, l'ex-ministre libyen du Pétrole Choukri Ghanem a toutefois consigné dans un carnet en 2007, soit bien avant la guerre, des versements au profit de la campagne, un document contesté par Sarkozy. L'ancien dignitaire a été retrouvé mystérieusement noyé en 2012 à Vienne.
Cette disparition, "ce n'est pas moi (...). Est-ce qu'on peut arrêter de délirer?", s'agace l'ancien président, alors que les enquêteurs l'interrogent sur l'ex-argentier du régime libyen, Bachir Saleh, récemment blessé par balles en Afrique du Sud. "J'espère que personne n'ose imaginer que, de près ou de loin, je serais pour quelque chose dans une opération de règlement de comptes".
Takieddine, 'menteur doublé d'un fou'
A plusieurs reprises, Nicolas Sarkozy s'est attaqué à ce sulfureux homme d'affaires, présenté comme un intermédiaire dans les relations franco-libyennes.
Alors que le Franco-libanais s'est auto-incriminé en déclarant avoir remis 5 millions d'euros d'argent libyen en 2006 et 2007 à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, et à son directeur de cabinet, Claude Guéant, l'ex-chef de l'Etat s'est évertué à démontrer "l'impossibilité" de telles rencontres place Beauvau.
Il a juré n'avoir eu aucun rendez-vous avec lui entre 2005 et 2011. "Je n'ai jamais été un proche de M. Takieddine", tranche-t-il.
Hortefeux, Guéant et leur responsabilité
Les juges insistent: "Qu'en est-il" des liens entre Takieddine et deux fidèles lieutenants de M. Sarkozy, Brice Hortefeux et Claude Guéant, tous deux placés sous son "autorité hiérarchique"?
- "Que Brice Hortefeux ait pu le fréquenter à titre personnel, c'est sa décision", répond l'ex-président.
- "Quand et combien de fois il a vu M. Guéant, il s'en expliquera", dit-il au sujet de l'ex-secrétaire général de l'Elysée, mis en examen dans cette affaire pour l'acquisition d'un appartement avec des fonds suspects.
Jamais en 'affaires' avec Djouhri
Arrêté à Londres et en attente d'une éventuelle extradition vers la France, cet autre intermédiaire avec la Libye est au coeur de l'enquête, à travers notamment une opération en 2008 qui aurait pu dissimuler des détournements de fonds libyens.
"Je n'ai jamais été en relation 'd'affaires'" avec Alexandre Djouhri, balaie Nicolas Sarkozy qui dit le connaître depuis 2006, alors que M. Guéant évoque à son propos une "vieille connaissance".
Fait troublant, un RIB au nom du couple Guéant a été retrouvé au domicile genevois de Djouhri.
- Pour "envoyer des fonds?, questionnent les juges.
- Nicolas Sarkozy: "Le mieux est de poser la question aux intéressés".
Bachir Saleh et son exfiltration
Dans l'entre-deux-tours de la présidentielle en mai 2012, Bachir Saleh est exfiltré de France alors qu'il est recherché par Interpol. "Quelqu'un a-t-il dit que j'avais demandé (...) cette exfiltration? Bien sûr que non!", se défend M. Sarkozy. Mais pour les juges, il est "difficilement concevable" qu'il n'ait pas été informé d'une opération "organisé(e)" par Claude Guéant, alors ministre de l'Intérieur, et le patron du renseignement intérieur Bernard Squarcini.
Le site d'information Mediapart venait alors de publier une note attribuée à Moussa Koussa, ex-chef du renseignement extérieur libyen, et mentionnant un accord de financement de la campagne.
L'ancien président a de nouveau contesté son authenticité alors que la justice a, par deux fois, estimé que l'enquête ne permettait pas d'établir qu'il s'agissait d'un faux.