En à peine quelques années d'existence, l'EI dirigée par Abou Bakr al-Baghdadi a pu former un réseau bien implanté dans le "vieux continent" grâce notamment au recrutement d'extrémistes de nationalités européennes.
Des Français sont ainsi accusés d'avoir été parmi les auteurs des attentats de Paris en novembre et deux frères belges sont accusé d'avoir commis les attaques à l'aéroport et dans le métro de Bruxelles mardi.
"Ce sont des attaques coordonnées, bien planifiées", estime Robert Taylor, professeur à l'Université américaine de Dallas et expert en matière de politiques policières contre le terrorisme.
"Je doute que (l'ordre direct) soit pris par Baghdadi lui-même. Je pense que nous avons affaire à des cellules individuelles qui agissent avec indépendance" mais sous l'ombrelle de l'EI, ajoute-t-il.
"Ceux qui opèrent sur le terrain ont une certaine marge de manoeuvre en termes de choix des cibles et du timing" des attaques, affirme de son côté J.M. Berger, co-auteur du livre "ISIS: the State of Terror" (L'EI: l'Etat de la terreur).
Un même réseau
Dès 2014, le groupe ultraradical qui fait régner la terreur sur les territoires qu'il contrôle en Irak et en Syrie a lancé un appel à tuer des civils européens et américains. Appels qui se sont intensifiés après le lancement d'une campagne de frappes aériennes contre ses bastions par une coalition internationale menée par les Etats-Unis.
Dans plusieurs vidéos de propagande, l'EI a menacé l'Europe d'attaques spectaculaires. L'organisation a revendiqué les attentats choc à Paris en janvier (17 morts) et novembre (130 morts) et mardi à Bruxelles au coeur de l'Europe.
Mais l'Europe est loin d'être la seule cible des jihadistes qui ont également lourdement frappé des pays du monde arabe.
Outre les attaques dans ses bastions en Irak et en Syrie, l'EI a revendiqué en 2015 des attentats en Tunisie (72 morts en 2015), à Beyrouth (44 morts), au Yémen contre des mosquées chiites (142 morts) ou encore dans des pays du Golfe et africains.
"Même s'il est très tôt pour tirer des conclusions définitives, l'explication la plus probable que cette attaque (de Bruxelles) a été menée par le même réseau de l'EI ayant mené les attentats de Paris", estime M. Berger, chercheur sur l'extrémisme à l'Université George Washington.
Les attentats dans la capitale belge ont d'ailleurs eu lieu quatre jours après l'arrestation à Bruxelles du suspect clé des attaques de Paris, Salah Abdeslam.
Pas de 'loups solitaires'
Si les cellules ne prennent pas directement leurs ordres de Baghdadi, le chef suprême de la puissante organisation jihadiste, l'autonomie du réseau européen de l'EI ne signifie pas que les auteurs d'attaques agissent en électrons libres.
"L'attaque (de Bruxelles), comme celle de Paris, est trop sophistiquées pour qu'elle soit l'oeuvre de loups solitaires", affirme à l'AFP Aymenn al-Tamimi, chercheur au Middle East Forum, un centre de réflexion américain.
"Elle reflète la capacité opérationnelle que l'EI a commencé à développer depuis fin 2014-début 2015 pour mener des attaques en Europe", ajoute-t-il.
"A quel point Baghdadi et d'autres responsables de l'EI sont-ils au courant des détails des opérations à l'avance est une question qui fait débat", selon M. Tamimi. "Mais il ne faut pas présenter ces attaques comme l'oeuvre de (personnes) indépendantes de l'EI".
Pour M. Berger, "le commandement central de l'EI en Irak et en Syrie a vraisemblablement fourni une partie ou la totalité des ressources humaines, techniques et financières utilisées" pour Bruxelles.
Les Européens ayant combattu en Irak et en Syrie aux côtés des jihadistes sont des rouages clés dans l'organisation des attentats selon les experts.
Or, la Belgique, petit pays de 11 millions d'habitants, est en Europe celui qui compte - proportionnellement à sa population - le plus grand nombre de volontaires partis combattre en Syrie ou en Irak, avec un total de 494 jihadistes identifiés.
Pour M. Taylor, d'autres attentats sont à craindre dans l'avenir car le mode opératoire de ces cellules qui agissent contre toute cible vulnérable est "presqu'impossible à contrecarrer".
Avec AFP