Malgré un siège asphyxiant et un pilonnage régulier, les rebelles maintiennent depuis plus de cinq ans leur emprise sur la Ghouta orientale, près de Damas, mais l'offensive d'envergure que le régime prépare pourrait changer la donne.
Cette poche de dissidence, l'une des premières à avoir rejoint les manifestations anti-régime en 2011, est censée être l'une des "zones de désescalade" créées à l'été 2017 en vertu d'un accord entre la Russie et l'Iran, principaux soutiens du régime, et la Turquie qui appuie l'opposition.
Mais la Ghouta orientale, autour de laquelle l'armée a récemment renforcé ses positions, est le théâtre depuis début février d'un déluge de feu de la part du régime, qui a fait jusque-là environ 450 morts parmi les civils et des centaines de blessés.
Le régime semble plus que jamais déterminé à reconquérir ce secteur d'une centaine de kilomètres carrés, qui fut le verger de la capitale mais est aujourd'hui en proie à une grave crise humanitaire.
La Ghouta orientale est contrôlée par deux groupes rebelles islamistes, Jaich al-Islam (10.000 combattants) et Faylaq al-Rahmane (9.000).
Les deux factions, qui ont déjà participé à des négociations à Genève et Astana, jouissent d'une forte popularité au sein de la population car leurs membres sont issus de la région, explique Nicolas Heras du Center for New American Security.
"Ces organisations ont une approche sociale, politique, économique et militaire pour interagir avec la population", souligne-t-il.
'Punition collective'
Assiégés depuis 2013 par les forces du régime, les quelque 400.000 habitants de la Ghouta orientale subissent des pénuries de nourriture et de médicaments qui ont entraîné des centaines de cas de malnutrition, notamment chez les enfants.
Aucune aide ne peut rentrer dans la zone sans le feu vert des autorités de Damas.
Il s'agit, selon M. Heras, d'une "stratégie de punition collective".
"On fait souffrir toute la population de la région pour avoir choisi de se rebeller contre (le président syrien) Bachar al-Assad", souligne-t-il.
Certaines marchandises sont acheminées à prix d'or depuis les zones gouvernementales mais les quantités sont strictement contrôlées et ne suffisent pas.
Les rebelles ont par ailleurs imposé des prix fixes à la revente et s'arrogent une part des bénéfices, estime Will Todman du Centre pour les études stratégiques et internationales.
"Ils ont activement et systématiquement tiré des bénéfices du siège", assure-t-il.
Jaich al-Islam et Faylaq al-Rahmane ont en outre été accusés de s'accaparer les vivres et de répartir de manière injuste les rares distributions d'aides.
L'an dernier, les troupes gouvernementales ont durci le siège, détruisant les tunnels de contrebande et réduisant l'accès des organisations humanitaires.
Solution 'permanente'
En s'en prenant à la Ghouta orientale, le gouvernement veut mettre fin aux tirs de roquettes et de mortiers des rebelles sur Damas.
Depuis le 5 février, plus de 20 civils ont péri dans ces frappes, selon l'OSDH.
Le régime cherche ainsi à "résoudre la question de la Ghouta orientale de manière permanente, à travers soit une victoire militaire soit un règlement négocié sous pression militaire", estime Sam Heller, analyste à l'International Crisis Group.
Des escalades similaires se sont souvent terminées par des accords de "réconciliation", selon le vocable du régime, entraînant l'évacuation des rebelles en général vers la province d'Idleb (nord-ouest).
Cette stratégie, appliquée notamment à Alep, "est totalement applicable à la Ghouta orientale", a estimé lundi le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov.
Fin 2016, les troupes du régime avaient mené une offensive d'un mois puis conclu un accord d'évacuation de combattants.
C'est ce qui pourrait attendre les insurgés de la Ghouta orientale, prévoit M. Todman, même si selon lui "certaines factions vont probablement se battre jusqu'au bout".
"Les rebelles ne pourront pas tenir indéfiniment", ajoute-t-il, précisant qu'un "accord d'évacuation" pourrait être trouvé "d'ici plusieurs mois ou un an, au moins pour quelques secteurs de la Ghouta orientale".
Mais pour Abou Zeid, un habitant, "le retrait des rebelles ne résoudra pas le problème".
"Le problème, c'est la population", dit-il. "Le régime ne veut pas des gens qui lui résistent".
Avec AFP