Après la diffusion au cours du week-end de cette vidéo de plus de sept minutes, filmée en un plan-séquence unique, deux autres vidéos, pas plus authentifiables que la première, ont été relayées par les réseaux sociaux, montrant ce qui pourrait être des scènes de la brutalité ordinaire que dénonce l'ONU depuis plusieurs semaines dans la répression de la rébellion Kamwina Nsapu au Kasaï, dans le centre de la RDC.
Lundi, la France a exhorté "les autorités congolaises à faire au plus vite la lumière sur ces agissements inacceptables et à identifier les responsables, qui devront répondre de leurs actes".
Le Haut-commissaire aux droits de l'Homme de l'ONU leur a de son côté demandé lundi soir à enquêter "sur ce qui apparaît comme un usage excessif et disproportionné de la force" et à mettre un terme "aux violations massives des droits de l'Homme" dans le Kasaï.
La veille, le département d'État américain avait appelé Kinshasa à "lancer une enquête immédiate et complète" sur les suspicions de "graves violations des droits de l'Homme" nées de ces images.
Dans un communiqué officiel, Kinshasa a opposé une fin de non recevoir à ces demandes.
S'estimant visé "régulièrement" par des "rumeurs malveillantes", le gouvernement congolais argue que, face à des "images d'amateurs anonymes, il ne lui revient [...] pas de prouver l'innocence des FARDC" (Forces armées de la RDC), mais qu'"il appartient aux accusateurs, jusque-là inconnus, de prouver ces faits afin que tous les éléments incriminés en répondent conformément à la loi".
Samedi, Kinshasa avait qualifié la première vidéo de "montage grossier" avant de reconnaître que des soldats congolais avaient pu commettre des "excès" en réprimant la rébellion Kamwina Nsapu et d'annoncer que deux d'entre eux, un officier et un sous-officier, étaient poursuivis par la justice militaire.
Pressé lundi par l'AFP de préciser les charges pesant contre ces hommes, M. Mende a déclaré qu'il ne s'agissait "nullement de poursuites pour crimes de guerre ou crimes contre l'humanité" mais pour "violations des consignes" ou "extorsions [...] lors d'une opération militaire à Mwanza Lomba", village kasaïen où aurait été tournée cette vidéo, à en croire la voix commentant les images.
'Déni permanent'
A en juger par sa qualité, le film semble avoir été tourné avec un téléphone portable par un membre d'une unité militaire de huit soldats en treillis parlant lingala (langue officielle de l'armée congolaise) et swahili (langue parlée dans l'Est de la RDC).
Elle montre le détachement ouvrir un feu nourri sur un groupe chantant en tshiluba (langue parlée au Kasaï), à quelques dizaines de mètres.
Les hommes en uniforme achèvent ensuite leurs victimes, parmi lesquelles trois femmes, et insultent les cadavres. La vidéo en montre pas moins de vingt. Quelques hommes tiennent encore un lance-pierre ou un bâton.
Le Kasaï est le théâtre, depuis septembre 2016, d'une rébellion née de la mort le mois précédent, lors d'une opération militaire, d'un chef coutumier local, Kamwina Nsapu, entré en conflit avec le pouvoir central. Les violences y ont fait au minimum 200 morts depuis septembre.
La première des deux nouvelles vidéos apparues sur internet montre une femme à terre portant un brassard et un bandeau rouges (signe arboré par les rebelles). Apparemment blessée par balle à la hanche, la jeune femme subit un interrogatoire en tshiluba mené par plusieurs hommes, hors champ. Elle reçoit un coup de pied au visage et un à la nuque, et est insultée alors qu'elle demande être évacuée.
La deuxième vidéo, filmée comme les deux autres en plan-séquence unique, montre aux moins huit enfants blessés ou tués par balles, autour desquels s'affairent des hommes en treillis ou en tenue bleu marine, comme celle que portent les policiers congolais.
Hors champ, on entend des tirs nourris et des quolibets en tshiluba et lingala adressés aux victimes.
Dans un communiqué, la coalition d'opposition du "Rassemblement" a dénoncé "avec fermeté, la légèreté avec laquelle le gouvernement réagit dans une logique de déni permanent aux massacres commis" en RDC, notamment au Kasaï, et exigé "une enquête internationale indépendante" pour faire la lumière sur "les actes d'une cruauté révoltante" que révèlent selon lui "ces images d'une violence inouïe".
Interrogé par l'AFP, André-Alain Atundu, porte-parole de la Majorité présidentielle, a déclaré qu'il ne réagissait "pas aux rumeurs" et attendait les "éléments qui seront fournis par le gouvernement" pour "déterminer le vrai et le faux" dans cette affaire.
Avec AFP