"J'ai été emprisonné et battu pour de l'argent": Abu Gizaw Assefaw, Éthiopien de 23 ans, porte encore une cicatrice dans le dos, douloureux souvenir de son voyage infructueux à la recherche d'une vie meilleure dans le Golfe.
Abu Gizaw Assefaw fait partie des centaines de milliers de personnes, principalement des Éthiopiens, qui se lancent chaque année sur la route de la Corne de l'Afrique, traversant un désert, une mer agitée et des zones de guerre à la recherche d'opportunités en Arabie saoudite. Beaucoup n’y parviennent pas.
La "route de l'Est" est décrite par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) comme "l'une des routes migratoires les plus dangereuses et les plus complexes d'Afrique et du monde".
"Pas mangé pendant des jours"
Pour Abu Gibaw Assefaw, le périple a commencé dans un bus à Addis Abeba, la capitale éthiopienne, avec 10 amis. Direction la région Afar, dans le nord du pays, avant de finir le parcours à pied à travers le désert, pour atteindre la mer Rouge. "Le soleil était brûlant. Nous n'avons pas mangé pendant des jours. J'ai perdu beaucoup d'amis qui sont morts de faim", dit Abu Gizaw Assefaw.
Arrivés à Djibouti, le jeune homme et ses amis ont dû payer chacun à des passeurs 30.000 birr, environ 490 euros, pour la traversée vers le Yémen. Et l'histoire se répète une fois arrivés au Yémen, où "si vous ne payez pas les passeurs, ils prennent les gens du groupe et les tuent. Nos familles ont vendu tout ce qu'elles possédaient, y compris les terres, et nous ont envoyé l'argent", se souvient-il.
Après toutes ces épreuves, il atteint finalement l'Arabie saoudite, où il espère trouver un travail. Mais il est rapidement reconduit à la frontière et abandonné dans le désert. Il doit alors reprendre un bateau pour Djibouti. Et revenir à son point de départ à Addis Abeba. Le jeune homme fait partie des dizaines de migrants éthiopiens "rapatriés" en cours de traitement dans un centre de transit de l'OIM à Addis Abeba.
Vautours
Si la majorité des personnes qui empruntent la "route de l’Est" sont des hommes, le nombre de femmes a doublé sur un an pour atteindre 106.700 en 2022, selon l’OIM. Neyima Mohammed, 18 ans, en fait partie. Après l'échec de sa petite entreprise de vente de produits alimentaires, elle tente de rejoindre l'Arabie saoudite, où, elle l'espère, une vie meilleure l'attend.
Avec d'autres personnes originaires comme elle du village de Silte, dans le sud de l'Ethiopie, elle est ballotée d'un passeur à l'autre. "Nous avions faim, et soif", se remémore-t-elle. "Beaucoup de nos amis sont morts sur la route, un bateau a coulé et beaucoup se sont noyés". Au Yémen, ils sont impliqués dans un accident de la route qui tue plusieurs personnes.
"Nous les avons déposées sur la route car il n'y avait pas de cimetière. Les vautours se nourrissaient de leurs cadavres", dit-elle. Pour Neyima Mohammed, c'est la fin du périple. "Je suis heureuse d'être revenue vivante dans mon pays. Je veux oublier ce qui m'est arrivé et continuer ma vie".
"Revenu les mains vides"
Si Shamsadin Awol, 20 ans, avait su avant de partir les épreuves sur la route de l'Arabie saoudite, il n'aurait jamais quitté son village dans l'Est de l'Ethiopie. Des passeurs l'ont emmené à Hargeisa, la capitale de la région somalienne séparatiste du Somaliland, puis au Yémen et en Arabie saoudite.
"Vous devez payer pour continuer le voyage, vous ne pouvez même pas voyager cinq minutes si vous ne payez pas", dit Shamsadin Awol, parti avec 275.000 birr, environ 5.000 euros. "J'ai tout utilisé et je suis revenu les mains vides". Aujourd'hui, Shamsadin Awol se dit heureux d'être de retour en Éthiopie.
"Quand nous sommes entrés et avons respiré l'air d'Oromia, nous avons loué le Seigneur. Revenir vivant à la maison était si formidable", se souvient-il, affirmant ne plus vouloir tenter l'expérience avec des passeurs.
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