À trois jours de sa première visite en France, le Premier ministre Rishi Sunak se montre déterminé à enrayer l'augmentation des traversées illégales de la Manche, incessante malgré les plans successifs des gouvernements conservateurs, et au cœur de régulières tensions avec Paris.
"Cette nouvelle loi va envoyer un message clair: si vous venez dans ce pays illégalement, vous serez rapidement expulsé", résume Rishi Sunak dans le quotidien The Sun. "Ceux qui viennent ici en petit bateau (en traversant illégalement la Manche, ndlr) ne peuvent pas demander l'asile ici".
Avec plus de 45.000 arrivées par cette voie très dangereuse l'année dernière (surtout des Albanais et Afghans mais aussi des Iraniens, Irakiens et Syriens) et déjà près de 3.000 depuis le début de l'année, le gouvernement conservateur se retrouve confronté à un système d'asile totalement dépassé.
Selon des fuites dans la presse, le texte prévoit des mesures pour faciliter la détention et l'expulsion des migrants qui seraient ensuite interdits à vie de revenir. "Nous avons repoussé les limites du droit international", a affirmé au Daily Telegraph la ministre de l'Intérieur Suella Braverman, en réponse à ceux qui disent que ce texte est contraire à la législation internationale.
Propositions "irréalisables"
Avec ses mesures très restrictives, le gouvernement conservateur veut décourager les traversées et briser le modèle économique des passeurs qui monnayent pour des sommes exorbitantes les traversées. Les associations d'aide aux réfugiés rétorquent que les durcissements successifs déjà opérés n'ont eu aucun effet, que les migrants ne seront découragés que si les autorités proposent des moyens légaux de venir demander l'asile au Royaume-Uni, ce qui actuellement n'est quasi pas le cas.
"Si vous fuyez des persécutions ou la guerre, si vous fuyez l'Afghanistan ou la Syrie et que vous craignez pour votre vie, comment pourrez-vous demander l'asile au Royaume-Uni?", s'inquiète Christina Marriott, directrice à la Croix Rouge britannique. "Si des personnes doivent être expulsées, où le gouvernement a-t-il l'intention de les envoyer?", a interrogé l'association Care4Calais.
Le Royaume-Uni a voté une loi l'an passé pour expulser au Rwanda des demandeurs d'asile mais le projet a été bloqué par la justice européenne et reste au point mort. Pour l'opposition travailliste, le projet de loi est une diversion avant les élections locales de mai alors que la popularité des conservateurs est en berne après 13 ans au pouvoir: "Je ne pense pas que présenter des propositions irréalisables nous mènera très loin", a estimé lundi le chef du Labour Keir Starmer.
Discussions en France
Un porte-parole du Premier ministre a assuré que le gouvernement réfléchissait à mettre en place des voies "légales et sûres" réclamées par les associations pour demander l'asile au Royaume-Uni mais sans donner de détails et seulement "une fois que nous contrôlerons nos frontières".
Rishi Sunak est attendu vendredi à Paris pour rencontrer le président français Emmanuel Macron, quelques mois après que les deux pays ont signé un accord de coopération prévoyant notamment une aide financière des Britanniques pour surveiller les plages françaises et l'envoi d'observateurs britanniques côté français.
Le sujet a été au cœur de régulières crispations avec la France, accusée de ne pas en faire assez, mais l'heure est plus à la détente actuellement entre Londres et les Européens. En pleine crise du coût de la vie, la gestion des demandes d'asile par le gouvernement britannique est source de crispations et d'incompréhension chez de nombreux Britanniques.
Mi-février, une manifestation de militants d'extrême droite devant un hôtel de demandeurs d'asile près de Liverpool (nord-ouest de l'Angleterre) a dégénéré en violents heurts avec la police. D'autres manifestations antiréfugiés – et des contre-manifestations en soutien aux migrants – ont eu lieu dans certaines villes du pays, comme samedi à Douvres, principal port transmanche anglais.
Dans cette ville du sud-est de l'Angleterre, les habitants se montrent sceptiques sur le projet de loi: "C'est pour le spectacle, même le gouvernement sait que ça ne marchera pas", assure à l'AFP un d'entre eux, souhaitant resté anonyme.