C'est un simple tweet qui a déclenché la colère de Mexico : "Le président Trump a raison. J'ai construit un mur le long de la frontière sud d'Israël. Cela a stoppé toute l'immigration illégale. Grand succès. Idée formidable", a écrit M. Netanyahu samedi dans un message se terminant avec les drapeaux israélien et américain côte à côte.
Sa déclaration survenait à l'issue d'une semaine de forte tension diplomatique entre Mexico et Washington, avec la signature par le président Trump du décret lançant le projet de construction du mur le long des 3.200 kilomètres de frontière séparant les deux pays.
Dès lundi, le ministre mexicain des Affaires étrangères, Luis Videgaray, a exigé des excuses d'Israël tandis que le Comité central de la communauté juive rejetait "catégoriquement" la posture du Premier ministre.
Selon le dernier recensement, en 2010, seules 67.476 personnes pratiquent le judaïsme au Mexique, une goutte d'eau par rapport aux plus de 92 millions de catholiques que compte le pays. Mais il s'agit d'une communauté très influente.
Face au tollé déclenché, M. Netanyahu a tenté mardi de dissiper les tensions avec Mexico en promettant qu'il s'agissait d'un "malentendu", insistant sur les "bonnes relations" entre les deux pays, tandis que le président Reuven Rivlin se disait "désolé pour tous les dommages provoqués par ce malentendu".
Mais ces explications sont arrivées un peu tard, plusieurs personnalités juives de premier plan au Mexique ayant déjà condamné sa prise de position.
- 'Infâme déclaration' -
"Netanyahu doit s'excuser auprès du peuple mexicain pour son infâme déclaration", a estimé lundi sur Twitter l'historien mexicain Enrique Krauze, qualifiant le Premier ministre de "laquais de Trump".
Le secrétaire au Développement économique de Mexico, Salomon Chertorivsky - descendant d'immigrants juifs ukrainiens et polonais -, a lui réagi en diffusant sur les réseaux sociaux un message enregistré rappelant l'accueil apporté par le Mexique à ses ancêtres.
"Pour ces milliers d'histoires comme celle de ma famille (...) le tweet du Premier ministre d'Israël me semble à ce point condamnable", a-t-il dit, avant d'ajouter : "Je ne conçois pas que quelqu'un gouvernant aujourd'hui un peuple qui a souffert de la pire persécution célèbre la persécution d'un autre peuple, le nôtre, les Mexicains".
Les premiers Juifs sont arrivés avec les conquistadors espagnols, au 16e siècle, mais beaucoup vivaient alors dans la clandestinité par crainte de la persécution exercée par l'Inquisition catholique.
Plus tard, à la fin du 19e siècle, d'autres fidèles de cette religion sont venus au Mexique, en provenance des pays de la Méditerranée et du Moyen-Orient, suivis, dans la première moitié du 20e siècle, par ceux fuyant les conflits, les guerres et les révolutions en Europe.
Un autre représentant de la mairie de Mexico, Simon Levy, a lui aussi répondu à M. Netanyahu via Twitter : "Les Mexicains veulent la paix et la prospérité. En tant que Mexicain juif, je regrette votre posture. Cela n'apporte pas la paix".
Dans les rues du quartier élégant de Polanco, où vit une bonne partie de la communauté juive de Mexico, les habitants ne cachent pas leur outrage face aux propos du dirigeant israélien.
Le gérant d'un magasin kascher, qui ne souhaite pas donner son nom, assure à l'AFP que les Juifs mexicains n'ont "rien à voir avec l'opinion de ce monsieur".
"Ce qu'a dit Netanyahu, ce n'était pas très humain, c'était très maladroit quand on voit ce qui se passe dans le monde", renchérit un Mexicain de 53 ans, lui aussi sous couvert d'anonymat, alors qu'il se dirige vers la synagogue du quartier.
"Il a perdu une bonne occasion de se taire".
Avec AFP