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Un appel du mufti à cesser les grèves fait polémique en Tunisie


Le président tunisien Beji Caid Essebsi lors d'un discours devant le congrès du mouvement Ennahdha à Tunis, Tunisie, le 20 mai 2016.
Le président tunisien Beji Caid Essebsi lors d'un discours devant le congrès du mouvement Ennahdha à Tunis, Tunisie, le 20 mai 2016.

Un appel du mufti de Tunisie, la plus haute autorité religieuse musulmane du pays, à cesser grèves et manifestations pour "sauver" une économie en difficulté faisait polémique mardi, ses propos ayant été considérés comme "une ingérence".

Othman Battikh, ancien ministre des Affaires religieuses devenu mufti -un poste dépendant du gouvernement- a appelé lundi les Tunisiens "à consacrer tous leurs efforts à travailler et étudier (...), ce qui n'est possible qu'en abandonnant les manifestations intempestives et les sit-in entravant le travail et la production".

En réaction, la puissante centrale syndicale UGTT s'est dite "étonnée" que le mufti "se mette à qualifier de +haram+ et +halal+ (interdit et permis en islam, ndlr) des revendications légitimes", invitant M. Battikh à ne pas intervenir "afin que son image et sa crédibilité ne soient pas critiquées".

Le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), une ONG, a lui mis en garde contre "le danger" de cette "ingérence".

Il a aussi demandé à la présidence de la République d'"assumer ses responsabilités dans la défense de la Constitution, garante du caractère civil de l'Etat ainsi que des libertés civiles et politiques".

Le quotidien Al Chourouk a de son côté jugé que le mufti semblait "faire porter aux seuls mouvements sociaux la responsabilité de la détérioration de la situation sociale générale".

"Faut-il une +fatwa+ pour le travail?", s'est encore interrogé le journal La Presse.

Sur les réseaux sociaux, enfin, des Tunisiens se sont étonnés que le mufti n'ait pas plutôt choisi de déclarer "haram" la corruption, devenue un fléau dans le pays.

La Tunisie a souffert de l'instabilité qui a suivi la révolution de 2011 et se trouve dans une situation économique et sociale délicate, avec une croissance atone et un chômage massif, surtout chez les jeunes diplômés.

Les responsables politiques appellent régulièrement à mettre fin aux mouvements sociaux pour relancer l'économie. Le nouveau chef de gouvernement, Youssef Chahed, a assuré qu'il se montrerait "déterminé à faire face à tous les sit-in illégaux et illégitimes, tout en restant engagé à garantir le droit de grève".

La semaine écoulée a été marquée par l'annonce du départ de la société pétrolière britannique Petrofac d'un champ gazier à Kerkennah (centre-est), à l'arrêt depuis neuf mois du fait d'un conflit social.

Après des négociations marathon, un accord a finalement été trouvé vendredi et la production a pu reprendre ces dernières heures. "Elle est déjà revenue à quelque 90% de ses pleines capacités", a précisé mardi à l'AFP le ministre des Affaires sociales, Mohamed Trabelsi.

Ce dossier a été présenté comme un test pour le nouveau gouvernement alors que la Tunisie vient de voter un nouveau code de l'investissement censé favoriser le climat des affaires. Le pays accueille fin novembre une conférence internationale des investisseurs, en présence de plus d'un millier d'entreprises.

Avec AFP

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