Le maire de l'opposition dont l'élection est invalidée par cette décision, Ekrem Imamoglu, a dénoncé une "trahison" et s'est engagé à "ne jamais abandonner".
L'annulation du scrutin à Istanbul risque de renforcer les accusations de dérive autoritaire contre M. Erdogan dont le parti islamo-conservateur, l'AKP, réclamait la tenue d'un nouveau scrutin en dénonçant des "irrégularités" qui auraient selon lui émaillé le vote du 31 mars.
"Les élections à Istanbul seront renouvelées", s'est félicité sur Twitter le représentant de l'AKP auprès de l'YSK, Recep Ozel.
La décision d'annuler le scrutin et d'ordonner la tenue d'un nouveau vote a été prise à l'issue d'une réunion de l'YSK à Ankara pour examiner un "recours extraordinaire" présenté par l'AKP à la mi-avril.
Le nouveau scrutin se tiendra le 23 juin, a indiqué l'YSK dans un communiqué.
Selon Anadolu, sept membres de l'YSK ont voté pour l'annulation du scrutin et quatre contre.
D'après les médias, la décision est notamment motivée par le fait que les scrutateurs dans certains bureaux n'étaient pas des fonctionnaires comme le stipule la loi.
Lors des élections du 31 mars, le candidat de plusieurs partis d'opposition, Ekrem Imamoglu, avait battu celui de l'AKP, l'ex-Premier ministre Binali Yildirim, avec moins de 13.000 voix d'avance, un écart infime à l'échelle de la mégapole turque.
L'AKP de M. Erdogan a également perdu la capitale Ankara, un camouflet qui s'explique notamment par la tempête économique qui secoue le pays, avec la première récession en 10 ans, une inflation à 20% et une monnaie qui s'érode.
L'incertitude entourant les résultats des municipales à Istanbul a pesé sur les cours de la livre turque qui a accumulé les pertes ces derniers jours pour évoluer lundi au-dessus de six livres pour un dollar.
Refusant d'admettre sa défaite à Istanbul, contrôlé par la mouvance islamiste depuis 25 ans, M. Erdogan a crié aux "irrégularités massives". L'AKP accuse notamment des responsables de bureaux de vote d'avoir minimisé le nombre de voix remportées par son candidat.
- "Interdit de gagner" -
Le principal parti d'opposition CHP (social-démocrate), dont est issu M. Imamoglu, accuse M. Erdogan d'être un "mauvais perdant" et de vouloir s'accrocher par tous les moyens à Istanbul, la capitale économique et démographique du pays.
"Se présenter aux élections face à l'AKP est autorisé, mais il est interdit de gagner (...) C'est tout simplement de la dictature !", a réagi sur Twitter un co-président du CHP, Onur Adigüzel, également député de ce parti à Istanbul.
Des milliers de partisans du CHP se sont réunis dans la soirée dans le district stambouliote de Beylikdüzü, bastion de M. Imamoglu, en scandant "YSK, démission !" ou encore "Tayyip, dictateur !", selon des correspondants de l'AFP.
"Ils essaient de faire main basse sur cette élection que nous avons gagnée. Vous êtes peut-être tristes maintenant, mais ne perdez pas espoir", a lancé M. Imamoglu à ses supporters.
A la suite de la décision de l'YSK, le CHP a convoqué une réunion urgente de sa direction à Istanbul et appelé ses partisans au "calme".
- Pressions -
Ces derniers jours, l'AKP et M. Erdogan avaient accru la pression sur l'YSK, le président turc appelant ainsi à annuler le scrutin pour "soulager les consciences de nos concitoyens".
La perte d'Istanbul, capitale économique de la Turquie où vit 20% de la population du pays, était un revers électoral inédit pour M. Erdogan, qui y a été maire de 1994 à 1998. Un mandat qui lui a servi de tremplin pour ensuite briguer les plus hautes fonctions.
Dimanche, l'agence Anadolu avait affirmé que les autorités avaient établi des liens entre une "organisation terroriste" et des responsables de bureaux de vote ayant officié lors du scrutin municipal à Istanbul.
D'après Anadolu, les enquêteurs turcs ont établi que 43 d'entre eux avaient eu des contacts avec le réseau du prédicateur Fethullah Gülen, la bête noire d'Ankara qui l'accuse d'avoir orchestré une tentative de coup d'Etat en juillet 2016 depuis son exil américain, ce que l'intéressé dément.
Malgré ses défaites spectaculaires à Istanbul et Ankara, la coalition formée par l'AKP et les ultranationalistes du MHP est arrivée en tête à l'échelle nationale lors des municipales avec quelque 52% des voix.
Avec AFP