M. Erdogan, 63 ans, recherchait un plébiscite. Toutefois, selon les chiffres de l'agence de presse progouvernementale Anadolu dans la nuit de dimanche à lundi, il n'aurait obtenu que 51,37% des suffrages dimanche, après dépouillement des bulletins dans 99,45% des urnes.
Le chef du Haut-Conseil électoral (YSK) a cependant confirmé la victoire du "oui", précisant qu'il devançait le "non" de quelque 1,25 million de voix, avec seulement 600.000 bulletins de vote restant à dépouiller.
"Triomphe a minima" pour El Pais en Espagne, "Erdogan l'emporte d'un cheveu" pour la Repubblica à Rome, "Courte victoire" pour le New York Times, "Erdogan revendique une courte victoire" selon Le Figaro en France: les grands titres de la presse mondiale étaient globalement sévères pour le chef de l'Etat turc lundi, dans leurs éditions numériques, Die Welt en Allemagne parlant même d'une victoire équivalent à "une défaite".
Au total, quelque 55,3 millions de Turcs étaient appelés à voter dimanche, et le taux de participation s'est établi à 85%, selon le YSK.
'Manipulations' selon l'opposition
Dans un discours télévisé, le chef de l'Etat a salué une "décision historique" du peuple turc et appelé les pays étrangers à "respecter" le résultat du scrutin.
Peu après, il a évoqué la possibilité d'organiser un nouveau référendum, cette fois-ci sur le rétablissement de la peine capitale, une initiative qui sonnerait le glas du processus d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne (UE).
Réagissant à cette étroite victoire du oui, l'UE a immédiatement pressé la Turquie de chercher un "consensus national". Une crise diplomatique avait opposé Ankara à plusieurs pays de l'UE, notamment l'Allemagne et les Pays-Bas, après l'interdiction de meeting de soutien à M. Erdogan sur leur sol pendant la campagne.
"Etant donné le résultat serré", le Conseil de l'Europe a lui appelé les dirigeants turcs à "envisager les prochaines étapes avec prudence".
Quant aux deux principaux partis d'opposition, le CHP et le HDP (prokurde), ils ont dénoncé des "manipulations" au cours du référendum et annoncé qu'ils feraient appel du résultat.
Ils fustigent notamment une mesure annoncée à la dernière minute par le Haut-Conseil électoral considérant comme valides les bulletins ne comportant pas le tampon officiel du bureau de vote dans lequel ils ont été glissés dans l'urne.
'Non' à Istanbul et Ankara
Cette mesure a "rendu sujet à débat la légitimité du référendum" et "jeté une ombre sur la décision de la nation", a affirmé le chef du CHP, Kemal Kiliçdaroglu.
Quelques milliers de manifestants contestant la victoire du "oui" ont scandé des slogans hostiles à M. Erdogan dans les quartiers de Besiktas et Kadiköy à Istanbul, selon des photographes de l'AFP. Aucun incident n'a cependant été signalé lors de ces manifestations.
En dépit de la victoire annoncée du oui dans l'ensemble du pays, le camp du non l'a emporté dans les trois principales villes, Istanbul, Ankara et Izmir. Les régions du sud-est, peuplées en majorité de Kurdes, ont aussi massivement voté contre l'accroissement des prérogatives du chef de l'Etat.
"C'est une victoire pour Erdogan, mais aussi une défaite. Il a perdu Istanbul, là où il a entamé sa carrière politique" en devenant maire en 1994, a écrit sur Twitter Soner Cagaptay, analyste spécialiste de la Turquie au Washington Institute.
Victoire des 'vrais Anatoliens'
"Ce résultat montre qu'une partie du pays ne veut pas rendre le pays plus fort et a une mentalité européenne, l'autre partie ce sont des vrais Anatoliens", a confié Mustafa Umit Unsal, un partisan de l'AKP, dans la soirée à Ankara.
La révision constitutionnelle prévoit en particulier l'abolition du poste de Premier ministre au profit d'un hyperprésident, alors que M. Erdogan est déjà accusé d'autoritarisme par ses détracteurs.
"Erdogan a reçu le soutien (de son peuple) pour renforcer son pouvoir autocratique sur la Turquie", résumait lundi le Guardian britannique dans son édition numérique.
Avec cette victoire, M. Erdogan, qui a échappé à une tentative de putsch le 15 juillet, disposera non seulement de pouvoirs considérablement renforcés, mais pourrait en théorie rester à la tête de l'Etat jusqu'en 2029. Il a occupé le poste de chef du gouvernement entre 2003 et 2014, avant d'être élu président.
Le gouvernement présentait cette révision constitutionnelle comme indispensable pour assurer la stabilité de la Turquie et lui permettre de faire face aux défis sécuritaires et économiques.
Mais l'opposition et les ONG ont déploré une campagne inéquitable, avec une nette prédominance du oui dans les rues et les médias.
Avec AFP