Cette "approche unilatérale (...) menace de saper les progrès que nous avons fait ensemble, avec les Européens, pour un système fiscal international juste", a réagi Josh Earnest, porte-parole de Barack Obama. "Quand je dis juste, je veux dire pour les contribuables mais aussi pour les sociétés qui essaient de faire des affaires à travers le monde", a-t-il ajouté.
Le Trésor américain s'est aussi insurgé : la décision de la Commission pourrait "menacer les investissements étrangers, le climat des affaires en Europe et l'important esprit de partenariat économique entre les USA et l'UE".
De leurs côtés, Dublin, "en profond désaccord avec cette décision", et l'entreprise informatique américaine ont immédiatement annoncé qu'ils comptaient faire appel de cette décision, qualifiée par Apple de "néfaste" pour l'investissement et la création d'emplois en Europe.
Dans "un message à la communauté Apple en Europe", le directeur général du géant informatique, Tim Cook, s'est pour sa part dit "confiant" de voir cette décision "être annulée" .
La somme phénoménale réclamée dépasse de loin les montants qu'ont dû rembourser dans le passé les autres entreprises épinglées par Bruxelles pour des aides d'Etat illicites.
Le dernier record, 1,29 milliard d'euros, était détenu par le circuit automobile du Nürburgring en Allemagne, selon un porte-parole de la Commission.
Fiscalité attractive
A l'issue de trois ans d'enquête, la Commission a estimé que les avantages fiscaux accordés par le gouvernement irlandais constituaient "des aides illégales" qui ont permis à Apple "d'éviter l'impôt sur pratiquement l'intégralité des bénéfices générés" par ses ventes dans le marché unique européen.
"L'Irlande doit maintenant récupérer les impôts impayés par Apple sur son territoire entre 2003 et 2014, à savoir 13 milliards d'euros plus les intérêts", explique la Commission.
Les avantages accordés à Apple ont été tels que l'entreprise s'est même vu "appliquer un taux d'imposition effectif sur les sociétés de 1% sur ses bénéfices européens en 2003, taux qui a diminué jusqu'à 0,005% en 2014", a déclaré la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, lors de la conférence de presse.
La Commission européenne a toutefois précisé que l'Irlande n'était pas le seul Etat concerné par ce remboursement. Si un pays s'estimait lésé d'avoir vu pendant des années le produit de ventes réalisées sur son territoire partir en Irlande pour échapper à l'impôt, il pourrait lui aussi réclamer sa part de gâteau, réduisant mécaniquement le montant dû à Dublin.
Connue pour sa fiscalité particulièrement attractive, l'Irlande a attiré de nombreuses entreprises au cours des dernières années, dont des multinationales américaines de nouvelles technologies, qui y ont installé leur siège européen.
Apple est ainsi basé depuis 1980 à Cork, au Sud du pays, où il emploie environ 6.000 personnes.
Le groupe, dont la capitalisation boursière est proche de 600 milliards de dollars, a réalisé l'an passé 234 milliards de dollars de chiffre d'affaires. A la bourse de New York, son action était en légère baisse : -0,73% à 106,02 dollars à 16H30 GMT.
Crispation
Interrogée en conférence de presse sur la crispation des relations avec les Etats-Unis, Margrethe Vestager a déclaré "estimer qu'elle partageait le même objectif que les USA d'une imposition mondiale juste et équitable pour les citoyens".
Il y a moins d'une semaine, le Trésor américain avait déjà haussé le ton. Dans un "Livre blanc" de 26 pages transmis à Bruxelles, il dénonçait les enquêtes de la Commission sur le traitement fiscal des aides d'Etat et leur rétroactivité, qui concerne outre Apple, Starbucks, Fiat-Chrysler et Amazon.
En février, le secrétaire américain au Trésor Jack Lew s'était indigné dans une lettre à Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, que l'UE "impose des pénalités de façon rétroactive sur la base d'une nouvelle interprétation large des aides d'Etat (...) et semble cibler les entreprises américaines de façon disproportionnée".
Les ONG ont elles applaudi la décision de mardi, comme l'Oxfam qui a salué "un signal fort contre l'évasion fiscale envoyé aux multinationales".
C'est la quatrième fois en moins d'un an que la commissaire Vestager punit des multinationales qui ont passé des accords fiscaux avantageux avec certains pays européens.
En octobre 2015, la Commission européenne avait exigé de l'américain Starbucks et de l'italien Fiat le remboursement des aides reçues "illégalement" respectivement par les Pays-Bas et le Luxembourg. Ces deux pays ont fait appel.
En janvier, elle s'était attaquée à au moins 35 multinationales, notamment le brasseur belgo-brésilien AB InBev, qui ont bénéficié d'avantages en Belgique, pays au régime fiscal particulièrement favorable aux grands groupes.
Avec AFP