Cramponnés à leur pick-up qui patine dans une boue rougeâtre, les Casques bleus tanzaniens scrutent l'épaisse jungle de la Mambéré-Kadéï, région de l'ouest de la Centrafrique où sévit depuis septembre dernier un nouveau groupe armé, appelé le Siriri.
Il est constitué en majorité d'éleveurs peuls, prétendant lutter contre les vols de bétail, très fréquents dans cette région de transhumance que l'Etat centrafricain ne contrôle pas plus que la plupart des autres régions du pays, déjà sous la coupe d'une quinzaine de groupes armés.
Ce nouveau groupe, dirigé par un certain Ardo Abba et dont les effectifs ne dépasseraient pas la centaine d'hommes, a menacé la Mission des Nations unies pour la stabilisation de la Centrafrique (Minusca) de représailles si elle continuait ses opérations dans la région.
"Si tu viens demander la paix, tu ne viens pas avec des armes!", s'exclame Michel, un responsable de la mairie d'Amada-Gaza, localité de la région, en référence au Siriri qui signifie "la paix", en sango, principal dialecte centrafricain.
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Le 31 décembre, Michel a cru voir sa dernière heure arriver lorsque le groupe a attaqué son village: "Ils sont venus en moto, ils étaient une vingtaine, voulaient s'installer dans le village, mais on a refusé. Alors ils ont commencé à faire leur pillage". Bilan, deux morts et 25 boutiques pillées.
"Ils m'ont fouetté ici", poursuit Michel, en désignant sa nuque. L'un des membres du groupe "a sorti le fusil pour me tuer, mais leur chef a dit non. C'est (à ce moment) là que je me suis sauvé", se souvient-il.
- Villages rançonnés -
Les exactions de ce type se sont multipliées depuis le début de l'année au fur et à mesure que le groupe gagnait en puissance et en équipement.
"Ils ont des tenues neuves, des armes neuves, des rangers neuves, certains ont même des gilets pare-balles", affirme un ancien chef d'une milice antibalaka de la zone, reconnaissant que ni lui, ni les autres groupes d'autodéfense autoproclamés ne peuvent faire le poids face à un tel ennemi.
"Chaque mois ils rançonnent les villages. 1,5 million de francs CFA (2.283 euros) pour un grand village, 500.000 (761 euros) pour un petit. Les éleveurs doivent leur payer au moins un boeuf par semaine, en échange de leur +protection+", ajoute-t-il.
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Ceux qui refusent risquent de tout perdre. Mamadou Moktar, éleveur peul d'Amada-Gaza, peut en témoigner. Le groupe, censé protéger les éleveurs, lui a volé 40 boeufs, soit plus de huit millions de FCFA (plus de 12.000 euros).
En réaction à ces attaques, la Minusca a entamé depuis le 12 avril des actions militaires, tuant des dizaines de combattants du Siriri. Ce jour-là, le groupe qui avait érigé un barrage, a ouvert le feu sur une patrouille de l'ONU qui a répliqué.
Quatre rebelles, dont le chef des opérations militaires, Mahamat Djibrila, sont morts. "Djibrila croyant dur comme fer à ses grigris a chargé le blindé de l'ONU" et a été abattu, raconte une source sécuritaire.
- Divisions au sein du groupe -
Affaibli, le Siriri est allé chercher des renforts plus au nord, au sein de deux autres groupes armés, le FDPC (Front démocratique du peuple centrafricain) d'Abdoulaye Miskine et les 3R (Retour, réclamation, réconciliation), de Sidiki.
Ces renforts semblent avoir leur propre agenda. Ils occupent le village de Nofou, fief d'origine du Siriri dont les premiers combattants se sont, eux, relocalisés dans le village de Dilapoko.
"Il y a maintenant des divisions entre ceux qui acceptent de négocier et ceux qui refusent", explique une source sécuritaire.
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L'arrivée de ces renforts coïncide avec l'augmentation des exactions contre la population et des attaques contre l'ONU. Début juin, le Siriri a tué un Casque bleu et en a blessé sept autres dans une embuscade qui a couté la vie à seize rebelles.
Le groupe, qui veut venger la mort de son chef des opérations, entend aussi lutter contre l'installation d'avant-postes dans sa zone d'action où les Casques bleus tanzaniens en ont déjà construit quatre et s'apprêtent à en installer un cinquième.
Des actions utiles, mais insuffisantes, prévient une source militaire: "Tant que la frontière avec le Cameroun (proche) ne sera pas contrôlée, ils auront toujours des sanctuaires où se cacher".
Avec AFP