Au total, 57 personnes ont ingéré ce liquide présenté comme une huile de bain parfumée à l'aubépine au cours des trois derniers jours à Irkoutsk. Quarante-huit d'entre elles sont décédées, a annoncé le procureur régional, Stanislav Zoubovski.
"Ce nombre va augmenter", avait-il averti lors d'un bilan précédent, alors que l'enquête se poursuit pour répertorier tous les endroits où le liquide est vendu, à 40 roubles (0.60 centimes d'euros) la bouteille de 25 ml.
Le maire d'Irkoutsk, Dmitri Berdnikov, a décrété l'état d'urgence dans cette ville de 600.000 habitants située à plus de 4.200 kilomètres de Moscou, promettant de "trouver et de châtier les responsables", selon le site internet de la municipalité.
La police a découvert l'atelier de fabrication à Irkoutsk et arrêté ses deux propriétaires, ainsi que cinq personnes accusées d'avoir vendu le produit.
Une campagne d'information a en outre été lancée pour informer la population des dangers du produit tandis que les perquisitions menées dans les magasins ont permis la confiscation de plus de 500 litres du liquide incriminé.
Selon les autorités, l'huile indique clairement sur l'étiquette être impropre à la consommation car elle contient du méthanol, une substance toxique utilisée comme antigel, mais reste pourtant parfois "consommée comme de l'alcool" en raison de son faible prix.
- Une 'tragédie' selon le Kremlin -
"C'est une tragédie effrayante. Elle exige la plus grande attention et que des mesures soient prises", a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, ajoutant que le président Vladimir Poutine avait été informé de l'affaire.
Le Premier ministre Dmitri Medvedev a de son côté ordonné à son gouvernement de "régler" cette affaire, estimant que la vente de tels liquides via des distributeurs automatiques, une pratique répandue, était une "honte absolue".
Cette vague d'empoisonnements illustre le phénomène inquiétant des alcools artisanaux et des produits ménagers contenant de l'alcool, utilisés dans l'ex-URSS comme alternative moins onéreuse aux alcools traditionnels.
Ils ont été responsables de plus de 15.000 décès en 2014, selon le directeur du Centre d'élaboration de la politique nationale sur l'alcool, Pavel Chapkine, qui estime que "50% de tout l'alcool vendu sur le marché russe est illégal".
Les autorités russes s'étaient déjà inquiétées en 2015 de l'explosion des ventes d'alcool, y compris frelaté, au marché noir, conséquence des hausses des prix des boissons décrétées pour lutter contre l'alcoolisme.
En décembre 2014, Vladimir Poutine avait déjà mis en garde contre les effets pervers de ces hausses, ne menant selon lui "qu'à des augmentations de la consommation des alcools frelatés".
La recherche des alcools et des stupéfiants les moins onéreux chez une partie de la population est également une conséquence de la crise économique qui frappe la Russie. Aggravée par la chute des cours du pétrole et les sanctions occidentales liées à la crise ukrainienne, elle a fait flamber les prix et fondre le pouvoir d'achat de la population.
Au-delà de l'alcool artisanal, le phénomène touche aussi certaines drogues. Fin 2014, un cannabis de synthèse appelé "Spice" et officiellement vendu comme encens avait provoqué des dizaines de morts et des centaines d'hospitalisations dans tout le pays.
Quelques années auparavant, un substitut bon marché à l'héroïne, le "krokodil", avait fait des ravages en Sibérie, rongeant irrémédiablement la peau de ses utilisateurs. Certains avaient alors attribué sa propagation à l'efficacité de la lutte contre le trafic d'héroïne, qui a fait mécaniquement grimper les prix de cette drogue prisée dans les couches les plus pauvres de la société russe.
Avec AFP