Depuis vendredi, les polémiques ne désenflent pas à Libreville, chaque partie accusant l'autre d'être responsable de la situation.
Le 16 février, des forces de l'ordre ont "réquisitionné" les locaux de la Société d'énergie et d'eau du Gabon (SEEG, filiale de Veolia détenue à 51% par l'entreprise française), mettant de facto un terme au management de Veolia.
Depuis, les commentaires se multiplient et les rumeurs vont bon train dans la capitale gabonaise. Est-ce un geste politique ? Une réquisition légale ? Quelle est la part de responsabilité de Veolia dans les innombrables coupures d'eau et de courant ? Que va-t-il se passer ensuite ?
Face à ces questions, le pouvoir a multiplié les interventions dans les médias: le directeur de cabinet du président Ali Bongo et les ministres de l'Eau et de la Communication se sont tour à tour exprimés. Ces deux derniers n'ont cessé d'assurer de la légalité de la procédure comme de la responsabilité de Veolia.
"Nous avons réquisitionné la SEEG pour motif d'intérêt général. Dans tous les contrats juridiques, cette possibilité existe", a asséné lundi le ministre de l'Eau et de l'Energie, Patrick Eyogo Edzang dans la presse locale.
Pour sa part, Veolia estime qu'"il s'agit ici d'une rupture unilatérale de contrat sans fondement juridique, au mépris de la loi", selon le Secrétaire Général du Groupe Veolia, Helman le Pas de Sécheval à l'AFP, qui affirme que Veolia est "victime d’une expropriation brutale de la part de l’Etat gabonais" et "examine les conséquences juridiques de cette situation".
'Négociations'
Veolia, présent au Gabon depuis 1997, avait signé mi-2017 avec l'Etat un avenant au contrat initial qui les liait pour 20 ans. Cet avenant prolongeait de cinq ans le partenariat entre les deux parties pour une période de "transition", tout en ouvrant la porte à des renégociations des termes du contrat initial. Celles-ci sont aujourd'hui au coeur de la polémique.
Veolia explique que des propositions avaient été faites début 2017 par l'entreprise à l'Etat, qui les avait refusé. "Malheureusement, ce refus n'a pas été suivi par la préparation" d'un nouvel appel d'offres, avait à l'époque déclaré M. Mapangou, alors ministre de l'Eau, reconnaissant "une certaine négligence de la part de l'Etat".
De nouvelles négociations ont eu lieu fin 2017, sans réussite. "Veolia a quitté la table des négociations" en octobre, a affirmé l'Etat lundi.
>> Lire aussi : Fin de contrat avec la Société d'énergie et d'eau au Gabon
La SEEG est souvent critiquée pour les nombreuses coupures de courant et autres pénuries d'eau à Libreville et en provinces.
"On ne peut produire d'eau si on n'a pas d'usine... Et cela, c'était du ressort de l'Etat", selon M. le Pas de Sécheval, qui avance que les règles du contrat initial en termes d'investissements étatiques "n'ont pas été respectées".
Libreville assure de son côté que "les Gabonais ont mis la main à la poche pour financer les installations", selon M. Eyogo.
Autre point de discorde: les investissements de l'entreprise française, que le Gabon juge "pas au rendez-vous". Réponse de l'entreprise: Veolia assure avoir investi dans la SEEG trois fois plus que ce que le contrat initial prévoyait.
"Depuis 20 ans, c'est un demi-milliard d'euros que Veolia a investi au Gabon, soit le plus gros investissement de la part d'une société étrangère (au Gabon) qui ne soit pas un pétrolier", explique Helman le Pas de Sécheval.
Mardi, le billet d'humeur "Makaya" de L'Union, journal réputé proche de la présidence, indiquait qu'il "faut mettre fin à ce néocolonialisme économique, qu'on veut perpétuer dans nos pays pour continuer à piller nos matières premières et s'enrichir sur le dos de nos pôvres (sic) populations".
La nouvelle équipe dirigeante de la SEEG a été présentée lundi par le ministre Eyogo au siège de l'entreprise. "Mais ils s'y connaissent, au moins?", s'agace Jean, 30 ans et fonctionnaire, qui ne cache pas sa crainte de constater dans les prochains jours de nouvelles coupures liées à "ce remue-ménage qui va forcément coûter aux Gabonais".
Avec AFP