L'association citoyenne de défense des intérêts collectifs (Acdic) a choisi le mois de septembre, réservé à la rentrée scolaire au Cameroun, pour publier un rapport qui "livre la réalité du terrain, les choses vues et entendues par les enquêteurs dans les établissements publics de la capitale".
Du 29 au 31 août 2017, les membres de l'ONG ont effectué une mission d’enquêtes sur le monnayage des places dans les établissements secondaires publics.
L'Acdic indique que, "le lycée bilingue de Yaoundé, en tête des établissements où l'entrée en classe de 6e est monnayée entre 75.000 et 150.000 francs CFA", selon le classement des établissements du rapport.
Le proviseur, Stephen Ncha Chi, est furieux de savoir que son établissement figure dans ce classement.
"C'est une conspiration et un mensonge. Ceux qui ont publié ce rapport ne m'ont jamais contacté pour vérifier leurs allégations ", a-t-il déclaré à VOA Afrique.
Il ajoute que "les listes des élèves admis par voie de concours en 6e ont été arrêtées en juillet dernier dans mon établissements et envoyées à la hiérarchie".
"Comment aurai-je pu recruter encore dans ces classes?", s'interroge-t-il, en précisant que c'est le conseil d'établissement qui recrute, et non le proviseur.
Ailleurs, comme au lycée Bilingue de Nkol eton, cité aussi dans le haut du classement, des pratiques de monnayage des recrutements ont été relevé, mais les responsables ont refusé de communiquer avec VOA Afrique.
L'Acdic ne démord pas sur ses allégations et étale sa méthodologie de travail à la simple sollicitation.
"Les proviseurs n'ont pas accepté de prendre ouvertement de l'argent lors de nos enquêtes, mais c'est au sortir de leur bureau, que la secrétaire, ou le censeur du lycée, vous disait qu'il existait des réseaux mafieux pour recruter l'élève", affirme Alice Priso, secrétaire permanente adjoint de l'Acdic.
Entre 50 et 100.000 francs CFA par élève
"Nous avons aussi reçu les témoignages des élèves et parents, qui ont décrit la possibilité de négociations pour être recruté avec la plus haute autorité de l'établissement", explique Alice Priso.
"Les prix pratiqués en général sont les suivants, 100 000 francs pour un élève de 6e, et entre 50 et 60 000 pour les élèves de 3e et 2de", croit savoir Alice Priso.
Le ministre des Enseignements secondaires, M. Bibehe, a menacé de "sanctions disciplinaires sévères " les personnes impliquées de près ou de loin dans les pratiques de monnayage des recrutements dans les établissements secondaires publics par communiqué envoyé aux intéressés.
Une délégation du ministère des enseignements secondaires a rencontré les responsables de l'Acdic, le 12 septembre dernier, pour "saluer l'initiative avec le souhait de collaborer", souligne la secrétaire permanente adjoint de l'Acdic.
Accusation de corruptions
"Mon grand frère avait payé 40 000 francs CFA pour être recruté dans un lycée, déclare Esther.
"Mon père avait donné 240 000 francs CFA à un proviseur pour notre recrutement, nous étions quatre", révèle une autre élève.
"J'ai payé 25.000 francs CFA, pour intégrer un lycée technique de Yaoundé", confie un élève à VOA Afrique.
Des déclarations graves de corruption qui ne laissent pas indifférent la commission nationale anticorruption.
"Ce que l'Acdic a publié est réel, la Conac est informée de ce phénomène de monnayage des recrutements dans les établissement secondaires publics et bien d'autres pratiques de corruption", avoue Armand Véronique Nga, chargé d'études dans cette institution.
Plusieurs responsables d'établissements scolaires publics ont déjà été sanctionnés à l'issue des preuves réunies par la Conac, mais ce n'est pas à la Conac de sanctionner les corrompus", déclaré Nga Armand.
Hasard du calendrier ou pas, quelques jours après la publication du classement des établissements secondaires publics les plus corrompus de Yaoundé, la commission nationale anticorruption est allée à Douala, organiser pendant deux jours, une caravane anticorruption dans le secteur éducatif.
Emmanuel Jules Ntap, correspondant à Yaoundé.