Détenu au Texas, Duane Buck avait été présenté lors de son procès en 1997 comme potentiellement plus dangereux car étant un Noir. Circonstance aggravante, ses avocats d'alors avaient semblé se ranger à cet argument.
A la majorité de six juges contre deux, la haute cour à Washington a estimé que le prisonnier avait "démontré avoir été défendu de façon inefficace" et que cela lui ouvrait un "droit à réparation" qu'il pourrait faire valoir par le biais d'un nouvel appel contre sa sentence.
"Aujourd'hui la Cour suprême a établi avec force que les préjugés racistes n'avaient pas leur place dans le système judiciaire américain", s'est félicitée Christina Swarns, avocate de Duane Buck et de la NAACP, la première organisation de défense des Noirs aux Etats-Unis.
Ce dossier emblématique avait fait l'objet d'une audience solennelle devant la plus haute juridiction américaine début octobre.
Les débats avaient revêtu une portée spéciale après des faits divers dramatiques, soldés par le décès d'Afro-Américains, qui ont illustré des partis pris tenaces dans la police et le système pénal.
Aux Etats-Unis, les Noirs sont condamnés de manière disproportionnée à la peine capitale par rapport aux Blancs, notamment dans le comté texan de Harris, qui détient le record absolu des exécutions aux Etats-Unis et d'où est originaire M. Buck.
Avocat calamiteux
Cet homme d'aujourd'hui 53 ans avait tué en plein été 1995 son ex-compagne et l'homme qui se trouvait avec elle.
M. Buck avait été défendu à son procès par deux avocats commis d'office, dont l'un, Jerry Guerinot, s'est révélé être une véritable calamité: au cours de sa carrière il n'a jamais réussi à obtenir un verdict d'acquittement et pas moins de vingt de ses clients ont écopé de la peine de mort.
Lors de ce même procès, un psychologue nommé Walter Quijano avait affirmé à la barre que l'accusé présentait un plus fort risque de récidive car il était noir.
Selon la loi en vigueur au Texas, une personne ne peut être condamnée à mourir que si le procureur parvient à prouver qu'elle fait courir un danger futur à la société.
Or le sixième amendement de la Constitution américaine énonce qu'un accusé "aura le droit d'être jugé promptement et publiquement par un jury impartial", c'est-à-dire non influencé par des idées racistes.
Malgré cet argument de poids, Duane Buck avait été condamné à l'unanimité des 12 jurés à la peine la plus lourde. Il a essuyé par la suite des revers judiciaires à chacun de ses recours devant les tribunaux.
20 ans pour corriger le tir
Il aura donc fallu 20 ans pour que la Cour suprême rectifie le tir. L'arrêt a été rédigé par le président de l'instance, John Roberts.
"On peut estimer probable que sans le témoignage du Dr. Quijano liant race et violence, au moins un juré aurait nourri des doutes valables sur la future dangerosité" de Duane Buck, a souligné M. Roberts.
Le condamné bénéficie désormais d'une équipe de défenseurs de haute volée qui le présentent comme un prisonnier modèle.
"Le jugement d'aujourd'hui nous offre l'espoir que son horrible condamnation à mort soit effacée et qu'il reçoive une peine de prison à vie", a commenté Kate Black, l'une de ses avocates.
Deux juges de la Cour suprême ont exprimé leur désaccord avec l'arrêt rendu mercredi, dont l'ultra-conservateur Clarence Thomas, le seul Noir de l'institution.
Avec AFP