Pourquoi la date fait-elle débat ?
Avec la démission le 2 avril, sous la pression populaire, du président Abdelaziz Bouteflika, chef de l'Etat durant deux décennies, l'Algérie est entré dans une phase de transition.
Le pouvoir actuel et son président par intérim Abdelkader Bensalah, désigné conformément à la Constitution en tant que président de la Chambre haute, veut s'en tenir aux délais constitutionnels : l'élection d'un nouveau président dans les 90 jours suivant le début de l'intérim.
M. Bensalah, officiellement entré en fonctions le 9 avril, a donc fixé ce scrutin au 4 juillet.
Mais, pour le mouvement de contestation, il est hors de question que le pouvoir intérimaire et le reste de l'appareil hérité du président déchu organisent ou supervisent le scrutin, alors que de forts soupçons de fraude ont entaché toutes les élections durant deux décennies.
Mobilisés depuis le 22 février, les manifestants restent inflexibles et réclament, avant tout scrutin, des structures de transition ad hoc, chargées de démanteler l'appareil hérité de M. Bouteflika et d'élaborer une nouvelle loi électorale et une nouvelle Constitution.
Mais, pour l'heure, l'armée et son chef d'état-major, le général Ahmed Gaïd Salah, redevenus les véritables centres de décision, refusent tout autre processus que celui prévu par la Constitution actuelle.
Le scrutin peut-il se tenir le 4 juillet ?
Techniquement, oui. Mais de nombreux doutes émergent, alors que les délais raccourcissent et que certaines échéances semblent incertaines.
Contrairement aux scrutins précédents, le Conseil n'a pas communiqué officiellement sur les procédures ou les délais de dépôt des dossiers de candidature qu'il est chargé de valider. Selon les calculs de l'AFP, la date-limite est le 24 mai -c'est à dire vendredi-, mais aucune des personnes contactées au sein du Conseil n'a pu confirmer.
Le pouvoir algérien assure vouloir maintenir le scrutin dans les délais constitutionnels, mais la date du 4 juillet n'est plus explicitement citée, ni par M. Bensalah ni par le général Gaïd Salah. Ce dernier a appelé à "accélérer" la mise en place de l'instance indépendante chargée de l'organisation et de la supervision du scrutin.
Au sein des partis de l'ex-coalition soutenant M. Bouteflika, l'idée d'un léger report et d'une entorse mineure au cadre constitutionnel fait son chemin, tant l'échéance semble compliquée à tenir.
Tout en rejetant la "transition" demandée par la contestation, Mohamed Djemai, secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), parti -majoritaire- du président déchu, a suggéré un report, "mais pas de beaucoup", le temps notamment de modifier la loi électorale.
Cadre du Rassemblement national démocratique (RND), principal allié du FLN, Seddik Chihab a indiqué à l'AFP que "l'idéal" serait un délai de "trois mois supplémentaires ou de six mois" maximum.
L'opposition est quasi-unanime à demander un report, avec des durées variables.
Autre obstacle : des maires et magistrats ont annoncé refuser de prendre part à l'organisation du scrutin, dont ils sont des maillons importants.
- Quels candidats possibles ?
Au 20 mai, le ministère de l'Intérieur a dit avoir reçu 76 actes de candidatures mais, contrairement à l'usage, il n'a dévoilé les noms que de trois petits partis, pas ceux d'individus.
Aucune personnalité d'envergure n'a fait publiquement acte de candidature et ni le FLN ni le RND n'ont désigné pour l'heure de candidat. Selon des observateurs, plusieurs figures sollicitées par le pouvoir ont décliné.
Plutôt effacé, M. Bensalah ne peut se présenter en vertu de la Constitution. Quant au général Gaïd Salah, il a assuré mercredi n'avoir "aucune ambition politique".
Enfin, les principaux partis d'opposition n'entendent pas participer, pas plus que la contestation, qui refuse même dans l'immédiat de choisir le moindre représentant.
- Le scrutin peut-il permettre une sortie de crise ?
Au vu de la détermination du mouvement, les électeurs ne devraient pas se bousculer dans les urnes, dans un pays où la participation est chroniquement faible.
Lors de la présidentielle de 2014, à peine plus de 50% des électeurs s'étaient déplacés, malgré les moyens de pression des autorités de l'époque sur les fonctionnaires, salariés d'entreprises publiques ou bénéficiaires de prestations sociales. Des chiffres en outre gonflés a posteriori selon les observateurs.
En l'état, il est par conséquent difficile d'imaginer que la présidentielle à laquelle s'accroche le pouvoir soit une réelle voie de sortie de crise.
"Si l'élection est maintenue le 4 juillet, le président n'aura aucune légitimité populaire" et "je crains (...) que nous entrions dans une spirale qui ferait perdurer la crise", a déclaré à l'AFP Zoubir Arous, professeur de sociologie à l'Université d'Alger II.