Un enfant a été tué et au moins 30 personnes blessées lundi à Bujumbura dans une série d'attaques à la grenade qui témoignent du récent regain de violences au Burundi, plongé dans une crise depuis presque 10 mois.
Ces violences et l'absence de dialogue politique entre le régime du président Pierre Nkurunziza et l'opposition devraient conduire l'Union européenne (UE) à annoncer dans la journée la suspension de son aide directe à Bujumbura.
Lundi matin, au moins cinq grenades ont explosé dans la capitale, tuant un enfant et blessant 32 passants, selon un bilan du porte-parole de la police Pierre Nkurikiye, interrogé par téléphone depuis Nairobi.
L'enfant, âgé d'une dizaine d'années, a été tué au marché de Siyoni, dans le quartier de Ngagara, dans le nord de la ville. Le collectif de journalistes burundais SOS Médias Burundi a diffusé sur son compte Twitter la photo du corps de la victime, gisant dans une rue et recouvert d'une couverture.
Selon le correspondant de VOA Afrique à Bujumbura, il s’agirait du quatrième enfant assassiné en dix jours.
Trois grenades, lancées par des hommes circulant à moto, ont explosé dans les quartiers centraux de Rohero et Buyenzi, et deux autres à Ngagara, selon des témoins contactés par l'AFP.
"On ne sait pas ce qui se passe mais c'est clair, on veut nous terroriser. J'ai déjà entendu trois explosions de grenades et ici, près du rond-point central (de Rohero), il y a eu plusieurs blessés", cinq hommes et une femme, a déclaré à l'AFP dans la matinée un habitant de Bujumbura sous couvert d'anonymat.
Après un début d'année plutôt calme, Bujumbura a connu une recrudescence d'attaques à la grenade, devenues quasi-quotidiennes depuis début février.
Le pouvoir et l'opposition se rejettent la responsabilité de ces "attaques terroristes", qui se sont multipliées depuis le début de la crise au Burundi sans jamais être revendiquées.
Dialogue au point mort
Devant cette recrudescence de violences et un dialogue interburundais au point mort, l'UE a annoncé lundi qu'elle allait prendre des "mesures" qui devraient se traduire par la suspension de son aide directe au gouvernement burundais.
Avec une aide globale de quelque 430 millions d'euros pour la période 2015-2020, l'UE est le premier donateur du Burundi.
"La pleine participation du gouvernement burundais dans le dialogue interburundais, comme exigé par le Conseil de sécurité de l'ONU et l'Union africaine, est essentiel", ont indiqué les 28 ministres européens des Affaires étrangères dans un texte adopté à Bruxelles. "Toute autre avancée vers une désescalade et une ouverture politique seront aussi des signaux positifs très significatifs".
De son côté, l'Union africaine doit dépêcher prochainement une délégation de chefs d'Etat à Bujumbura. L'objectif sera double: convaincre le président Nkurunziza d'accepter le déploiement d'une force africaine d'interposition et surtout plaider pour la reprise de véritables pourparlers à Arusha en Tanzanie.
Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon devrait également insister sur ce point lors de sa visite au Burundi prévue les 24 et 25 février.
Le pays est plongé dans une profonde crise politique depuis la candidature fin avril 2015 du président Pierre Nkurunziza - réélu en juillet - à un troisième mandat. L'opposition, la société civile et une partie de son camp jugent ce troisième mandat contraire à la Constitution et à l'Accord d'Arusha, qui avait mis fin à la guerre civile (1993-2006).
Les autorités burundaises ont déjoué un coup d'État militaire en mai et ont brutalement réprimé six semaines de manifestations à Bujumbura, mais elles n'ont pu enrayer l'intensification des violences - désormais armées - et l'organisation de mouvements rebelles embryonnaires déterminés à chasser M. Nkurunziza.
Les violences ont déjà fait plus de 400 morts et poussé plus de 230.000 personnes à quitter le pays, parmi lesquels de nombreux opposants, militants associatifs et journalistes, selon l'ONU.
Avec AFP