Le laboratoire français, l'un des plus grands spécialistes des vaccins du monde, s'est lancé dans la course contre le nouveau coronavirus mi-février, avec l'annonce d'un accord de coopération avec l'Autorité pour la recherche et le développement avancée dans le domaine biomédical (Barda), qui dépend du ministère américain de la Santé.
Conséquence de cette prise de risque financière, les États-Unis auront "le droit aux plus grosses pré-commandes" et pourront ainsi bénéficier d'une avance de plusieurs jours ou semaines sur le reste du monde, a affirmé mercredi le directeur général de Sanofi Paul Hudson, dans un entretien à l'agence Bloomberg.
Un tel vaccin "doit être un bien d'utilité publique et son accès doit être équitable et universel", a réagi jeudi la Commission européenne, qui a organisé début mai un téléthon mondial pour financer la recherche d'un vaccin ayant permis de rassembler 7,4 milliards d'euros de contributions. Le gouvernement américain n'a pour sa part pas participé à cette levée de fonds, préférant faire cavalier seul.
Réactions tout aussi indignées en France où la président Emmanuel Macron juge "nécessaire que ce vaccin soit un bien public mondial, extrait des lois du marché", selon l'Elysée.
"L'égal accès de tous au vaccin n'est pas négociable", a abondé le Premier ministre français Édouard Philippe après s'être entretenu avec le président du conseil d'administration du groupe pharmaceutique Serge Weinberg, qui a "donné toutes les assurances nécessaires quant à la distribution en France d'un éventuel vaccin Sanofi".
Un vaccin ou un traitement contre le Covid-19 devrait même être fourni "gratuitement à tous", insistent plus de 140 personnalités, dont le président sud-africain Cyril Ramaphosa et le premier ministre pakistanais Imran Khan dans une lettre ouverte.
L'ONG militante Oxfam a pour sa part dénoncé des déclarations "tout simplement scandaleuses".
- "Pourparlers" avec l'Europe -
Face à la levée de boucliers, le géant pharmaceutique assure qu'il n'y a aucune inquiétude à avoir quant au fait que certains pays seraient privés d'un tel traitement.
De fait, le monde "ne sera pas démuni" si un laboratoire comme Sanofi trouve un vaccin, a estimé le virologue Bruno Lina, membre du conseil scientifique français, tout en regrettant de devoir systématiquement accéder à une "préférence nationale" aux États-Unis.
"L'objectif, c'est que le vaccin soit disponible à la fois aux USA en France et en Europe de la même manière", a promis jeudi le patron du groupe pour la France Olivier Bogillot, dans un entretien à la chaîne BFMTV.
Mais Sanofi n'exclut toujours pas l'éventualité de distribuer d'abord un vaccin aux États-Unis, qui ont déjà prévu de verser "plusieurs centaines de millions d'euros" et, seulement ensuite, dans les autres pays dont l'Europe.
"Les Américains sont efficaces en cette période. Il faut que l'UE soit aussi efficace en nous aidant à mettre à disposition très vite ce vaccin", a insisté M. Bogillot, rapportant en être au stade de "pourparlers" avec les autorités européennes ainsi que des pays comme la France et l'Allemagne.
Il a indiqué qu'il s'agissait également de faciliter les procédures réglementaires.
Quant aux recherches elles-mêmes, le responsable de Sanofi a confirmé qu'il tablait toujours sur un vaccin prêt d'ici à 18 à 24 mois, soulignant à quel point un tel calendrier était rapide par rapport à la normale.
En temps normal, "développer un vaccin, ça prend dix ans", "on essaie d'accélérer toutes les phases".
L'autorité européenne du secteur, l'Agence européenne des médicaments a, elle, évoqué jeudi un possible vaccin d'ici un an, mais prévenu qu'il s'agissait du scénario le plus optimiste.
Plus de cent projets de recherche de vaccin sont actuellement menés dans le monde, dont huit sont déjà au stade des essais cliniques aux Etats-Unis, en Chine et en Europe, selon une note de l'Institut Jacques Delors.