Le département d'Etat a voulu frapper les esprits en dévoilant devant la presse des photos satellites "déclassifiées" de ce qu'il affirme être le tristement célèbre complexe pénitentiaire de Saydnaya, au nord de Damas.
Sur ces clichés datés d'avril 2017, d'avril 2016, de janvier 2015 et d'août 2013, on y voit des bâtiments, dont l'un est légendé "prison principale" et l'autre "probable crématorium".
"Bien que les nombreuses atrocités du régime soient bien documentées, nous pensons que la construction d'un crématorium est une tentative pour dissimuler l'étendue des meurtres de masse perpétrés à Saydnaya", a condamné le secrétaire d'Etat adjoint par intérim pour le Moyen-Orient, Stuart Jones.
Sur une autre photo, la légende "neige fondue sur une partie du toit" attesterait, selon le diplomate américain, de l'existence d'un "crématorium installé par le régime syrien".
Ces allégations du gouvernement américain relaient un rapport, photos satellites à l'appui, qu'avait publié en février l'organisation de défense des droits de l'homme Amnesty International.
L'ONG accusait le régime de Damas d'avoir pendu quelque 13.000 personnes entre 2011 et 2015 dans cette prison de Saydnaya et dénonçait une "politique d'extermination" constituant des "crimes de guerre et crimes contre l'humanité".
Amnesty n'avait cependant pas évoqué de "crématorium" et la Syrie avait contesté un rapport "totalement faux".
D'après M. Jones, "le régime syrien avait commencé en 2013 à modifier un bâtiment au sein du complexe de Saydnaya pour (en faire) ce que nous pensons être un crématorium".
Citant Amnesty, il a estimé qu'"entre 5.000 et 11.000 personnes avaient été tuées à Saydnaya entre 2011 et 2015", soit "50 meurtres par jour".
Il n'a toutefois pas dit avec certitude si le "crématorium" était toujours en service, renvoyant à la photo satellite du 18 avril dernier montrant la prison et son "probable crématorium".
Ces accusations de Washington surviennent quelques jours après la visite à la Maison Blanche et au département d'Etat du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, dont le pays est l'allié militaire du régime syrien.
"Le secrétaire d'Etat (Rex) Tillerson a été ferme et clair avec le ministre Lavrov : la Russie a une énorme influence sur (le président) Bachar al-Assad", a rendu compte la porte-parole du département d'Etat Heather Nauert. M. Tillerson a demandé à son homologue russe de faire en sorte que Moscou "contienne" Damas.
M. Jones n'est pas allé jusqu'à accuser la Russie d'être complice des "crimes de masse" perpétrés précisément à Saydnaya.
Mais, de manière générale, il a rappelé que "les Etats-Unis avaient exprimé maintes fois leur consternation devant les atrocités commises par le régime syrien".
"Ces atrocités ont été perpétrées avec, semble-t-il, le soutien inconditionnel de la Russie et de l'Iran", a condamné le diplomate américain.
Après sa rencontre le 10 mai avec le président Donald Trump dans le Bureau ovale, M. Lavrov s'était félicité d'une "compréhension mutuelle" et d'une volonté de "coopérer" entre deux puissances aux relations exécrables depuis 2012, notamment en raison du conflit syrien.
La guerre a fait depuis mars 2011 plus de 320.000 morts -M. Jones a parlé de "plus de 400.000" tués en citant l'ONU- déplacé plus de la moitié de la population et provoqué la fuite de millions de réfugiés.
Depuis six ans, ni Washington, soutien de l'opposition, ni Moscou, allié du régime, n'ont réussi à s'entendre pour faire cesser les massacres.
A la fin de la présidence de Barack Obama (2009-2017), les Etats-Unis s'étaient même progressivement mis en retrait du processus diplomatique et avaient laissé la Russie prendre la main.
Ainsi, dans le cadre du processus diplomatique dit d'Astana, la Russie, la Turquie et l'Iran se sont entendus début mai sur la création de quatre "zones de désescalade” et des "zones de sécurité" censées faire baisser les violences.
Washington s'est dit "sceptique" et préfère "soutenir" le processus de Genève de négociations politiques indirectes entre le régime syrien et l'opposition sous l'égide de l'ONU.
Ces pourparlers reprennent mardi, mais sans grand espoir.
Avec AFP