En pleine résurgence d'un climat de Guerre froide, ces mesures punitives sont parmi les plus sévères depuis l'arrivée à la Maison Blanche début 2017 du président républicain, incapable de réconcilier Américains et Russes malgré ses promesses mais qui s'abstient toujours de critiquer frontalement son homologue russe.
Elles ont été prises sur la base d'une loi voulue par le Congrès pour punir la Russie notamment pour son ingérence dans les élections américaines de 2016 et son attitude en Ukraine, promulguée l'été dernier à contre-coeur par Donald Trump.
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Les nouvelles sanctions visent en tout 38 personnes et entreprises qui s'ajoutent aux 24 déjà ciblées mi-mars en réponse à ces accusations d'ingérence électorale et à plusieurs cyberattaques. A l'époque, la décision américaine avait été jugée trop timorée par les démocrates.
Sept "oligarques" ainsi que douze entreprises qu'ils contrôlent font partie de la nouvelle liste et ne pourront plus faire affaire aux Etats-Unis ni avec des Américains. Parmi eux, Oleg Deripaska, propriétaire du géant de l'aluminium Rusal, Igor Rotenberg et Viktor Vekselberg, acteurs du secteur énergétique tout comme Kirill Chamalov, présenté comme le gendre du président Poutine.
"Les oligarques russes qui ne font pas partie de cette première liste doivent retenir leur souffle", estime Boris Zilberman du think tank conservateur Foundation for Defense of Democracies (FDD), saluant ces mesures pour "punir le cercle proche de Poutine".
Dix-sept "hauts responsables" russes sont aussi visés, dont le patron de l'entreprise publique Gazprom Alexeï Miller, et Andreï Kostine, celui de la deuxième banque russe, VTB, également détenue par l'Etat. Le ministre de l'Intérieur Vladimir Kolokoltsev, Viktor Zolotov qui dirige la Garde nationale et le secrétaire général du Conseil de sécurité russe Nikolaï Patrouchev figurent sur la liste.
Plusieurs entreprises sont enfin sanctionnées, dont Rosoboronexport, chargée des exportations d'armements, pour son soutien au régime syrien de Bachar al-Assad.
"Les Etats-Unis prennent ces mesures en réponse à l'ensemble des attitudes éhontées et des activités néfastes du gouvernement russe, qui se poursuivent à travers le monde", a déclaré un haut responsable de l'administration Trump à la presse, citant son rôle en Syrie, en Crimée ou en Ukraine.
- "Bonne relation" -
"Mais, avant tout, c'est une réponse aux attaques continues de la Russie pour subvertir les démocraties occidentales", a-t-il ajouté. Moscou "a choisi d'interférer de manière répétée dans les processus démocratiques", a renchéri un autre responsable américain.
Les relations, déjà glaciales, se sont de fait encore tendues entre les deux grandes puissances rivales après l'empoisonnement début mars au Royaume-Uni de l'ex-agent double russe Sergueï Skripal, imputé par Londres à Moscou. Par solidarité avec les Britanniques, Washington a expulsé 60 diplomates russes accusés d'être des "espions" et la Russie en a aussitôt fait autant.
Selon les services de renseignement américains, le pouvoir russe a mené une opération concertée et planifiée pour influencer l'élection présidentielle en faveur du milliardaire républicain, notamment à travers l'utilisation des réseaux sociaux et la diffusion de "fausses nouvelles", ce que Moscou conteste. Et les responsables du renseignement américain préviennent déjà que la Russie va aussi tenter d'influencer les élections parlementaires de novembre.
La loi adoptée l'été dernier par le Congrès était une réponse à ces accusations: un grand nombre de parlementaires américains réclamaient des mesures punitives contre les oligarques. Mais le Trésor américain s'était borné, fin janvier, à publier une liste de 210 hommes d'affaires et responsables politiques russes, sans sanctions immédiates.
Face au mécontentement de plusieurs élus, l'administration Trump avait dû promettre que les sanctions viendraient dans un second temps.
"Personne n'a été aussi ferme face à la Russie que moi", a même tonné cette semaine le président américain. La Maison Blanche a publié vendredi un communiqué intitulé "Donald Trump se dresse contre les activités néfastes de la Russie", énumérant toutes les mesures prises par son gouvernement.
Mais le milliardaire répète aussi qu'il aimerait avoir une "bonne relation" avec Vladimir Poutine.
"La porte du dialogue reste ouverte", a assuré vendredi un responsable américain. "Nous voulons avoir de meilleures relations avec la Russie", mais cela ne peut arriver que "si elle change d'attitude".
Juste avant de quitter ses fonctions, H.R. McMaster, le conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump a estimé cette semaine que les Etats-Unis n'avaient "pas réussi", jusqu'ici, à "imposer des coûts suffisants" à Moscou. Il sera remplacé lundi par John Bolton, considéré comme un "faucon" face à la Russie.
Avec AFP