Qu'ils soient chauffeurs de bus, fonctionnaires réclamant leurs salaires, militants de la société civile ou pasteurs, les anti-Mugabe n'ont plus peur de sortir dans la rue, comme le prouvent les nombreuses manifestations qui secouent le pays depuis juin.
Dans le Zimbabwe dirigé d'une main de fer par Robert Mugabe depuis 1980, la colère de la rue est pourtant inhabituelle et il faut remonter à la fin des années 1990 pour voir un mouvement d'une ampleur similaire.
A l'époque cela avait permis la création du principal parti d'opposition, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC).
"L'état de l'économie et les niveaux énormes de pauvreté poussent les gens à aller dans la rue. Ils n'ont plus rien à perdre", affirme à l'AFP l'analyste politique Dumisani Nkomo.
Pour Stendrick Zvorwadza, l'une des figures de la contestation, ce n'est qu'un début.
"C'est le prélude à de plus grosses manifestations qui vont voir ce gouvernement partir ou venir à la table des négociations pour écouter le peuple", explique t-il.
M. Zvorwadza, qui est à la tête d'une association de dizaines de milliers de vendeurs de rue, a été blessé par la police lors des récentes manifestations et hospitalisé.
"Chaque fois qu'ils me torturent, chaque fois qu'ils me punissent, j'en ressors plus fort et plus inspiré", assure t-il, en montrant ses cicatrices.
Une mesure cristallise particulièrement la colère: l'annonce en mai de l'introduction de billets d'obligation, une monnaie qui ne dit pas son nom, à parité avec le dollar américain.
Cette décision rappelle aux Zimbabwéens un douloureux passé récent, lorsque une hyperinflation délirante - de l'ordre de plusieurs milliards de pour cent - avait poussé le pays à abandonner sa devise nationale au profit du dollar en 2009.
Jeudi, les principaux leaders de divers partis d'opposition ont appelé à manifester pour demander une réforme du code électoral en vue du scrutin général de 2018.
Mais depuis juin, dans ces manifestations aux multiples visages, les militants de la société civile ont volé la vedette aux hommes politiques.
Pour ces contestataires, le départ du plus vieux chef d'Etat au monde, âgé de 92 ans, est devenu un point non négociable.
"Nous ne pensons pas le régime Mugabe encore capable de résoudre nos problèmes. L'heure est venue pour les partis politiques et les citoyens de s'allier pour mettre Mugabe dehors" , lance Promise Mkwananzi, la leader du mouvement #Tajamuka ("Nous sommes agités").
- 'Panique' au gouvernement -
Une question est désormais sur toutes les lèvres: le vieux dirigeant peut-il tenir ?
Ces dernières semaines, M. Mugabe a refusé de se laisser impressionner, qualifiant ces manifestations d'"inutiles" et réaffirmant son autorité en déployant systématiquement la police anti-émeutes lors des rassemblements demandant sa démission.
Malgré son âge canonique, le chef de l'Etat a déjà fait part de son intention de se représenter à sa propre succession en 2018 et refuse de donner une indication sur un potentiel successeur.
"Le gouvernement peut dire que ça ne l'affecte pas mais sa manière de réagir donne une impression de panique", estime Eldred Masunungure, professeur de sciences politiques à l'Université du Zimbabwe.
"Ce qui est nouveau dans ces manifestations ce sont les moyens de communication et la mobilisation grâce aux réseaux sociaux", note-t-il.
C'est d'ailleurs sur l'internet que la contestation a démarré avec le lancement du hashtag "ThisFlag" ("Ce drapeau"), l'étendard zimbabwéen étant devenu un symbole du mouvement.
Cette campagne de protestation a été lancée par le pasteur Evan Mawarire, devenu le chef de file de la fronde citoyenne au Zimbabwe.
Il s'est enfui en Afrique du Sud le mois dernier après avoir été arrêté au Zimbabwe, puis relâché de manière inattendue par la justice. Il voyage actuellement aux Etats-Unis où il recherche des soutiens.
Depuis les années 2000, le Zimbabwe où 90% de la population en âge de travailler n'ont pas d'emploi formel, traverse une grave crise économique et le pays, à court de liquidités a de plus en plus de mal à payer ses fonctionnaires.
Début juillet, même la police et l'armée - deux corps essentiels à Robert Mugabe pour se maintenir au pouvoir - ont été payés avec près de deux semaines de retard.
Avec AFP