Cohabitation intenable à la tête de l'exécutif kenyan avec Kenyatta et Ruto

Le président du Kenya, Uhuru Kenyatta (à g.), accompagné du vice-président William Ruto, au palais présidentiel de Nairobi, au Kenya, le 21 septembre 2017.

La guerre ouverte entre le chef de l’État kenyan et son vice-président prend de l’ampleur à mesure que les élections générales du 8 août se rapprochent. Faut-il craindre le pire pour ce scrutin ?

"Je suis prêt à répondre à chaque sollicitation pour un conseil ou une responsabilité quelconque. Parce que je demeure vice-président jusqu’au 8 août 2022".

Ainsi lançait William Ruto à ses partisans mobilisés autour de lui, le vendredi 6 mai 2022, à Mumias West, dans l’Ouest du Kenya. Une réponse à peine voilée aux accusations de manque de responsabilité formulées contre lui quelques jours plus tôt par le président Uhuru Kenyatta.

Une situation compliquée s’il en est, puisque les deux principales figures de l’exécutif sont censées cohabiter dans la bonne entente pour l’intérêt du pays. Et cela en particulier dans cette période de crise économique qui met la population au supplice. De l’entente, il n’y en a plus guère entre ces deux ténors de l’espace politique kenyan depuis 2018, au lendemain de l’entame du second mandat de Kenyatta.

Élément perturbateur

À l’origine de la fin de l’idylle débutée cinq ans plus tôt entre le président et son numéro deux, une autre personnalité bien connue de la scène politique kenyane: Raila Odinga.

Agé de 77 ans, l’ancien Premier ministre et leader de l’opposition a en effet fait voler en éclats la dynamique à la tête du pouvoir depuis son rapprochement surprise avec le chef de l’État qu’il a pourtant longtemps combattu par le passé. Il n’avait pas reconnu sa victoire à la dernière présidentielle.

Poignée de main entre le président kenyan Uhuru Kenyatta (à g.) et le chef de l'opposition Raila Odinga à Nairobi, le 9 mars 2018.

La réconciliation, scellée par une poignée de main aux contours aussi célèbres que mystérieux même des années après, a pris une nouvelle tournure avec le ralliement, en mars dernier, du président à son désormais ex-rival pour les prochaines élections générales pour lesquelles il est forclos. Au grand dam de William Ruto, 55 ans, longtemps perçu comme le successeur putatif.

Le peuple en avant

La rupture entre le locataire de la présidence et son ancien colistier semble avoir atteint le point de non-retour. Et cela se manifeste désormais au grand jour à travers une nouvelle escalade à chaque épisode. Les deux personnages sont dans une posture d’autant plus inconfortable qu’ils sont liés par l’exercice du pouvoir sans être des alliés.

Malgré son passé controversé, William Ruto en pré-campagne électorale se présente régulièrement comme l’homme des "Kenyans ordinaires" en opposition à ses rivaux Kenyatta, 60 ans, et Odinga qui sont respectivement fils d’ancien président et d’ancien vice-président.

Issu de l’ethnie Kalenjin, Ruto est plus que jamais persuadé que son heure est arrivée. Il croit en effet pouvoir mettre un terme au long règne de ces deux dinosaures de la politique au Kenya. De quoi faire jaillir le spectre d’une nouvelle présidentielle tendue dans ce pays habitué des crises post-électorales meurtrières.

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