Important déploiement sécuritaire pour un meeting pro-Biya à Buea

Des policiers camerounais lors d'un rassemblement du RDPC au pouvoir, à Buea, le 3 octobre 2018.

"Un petit groupe ne peut pas menacer toute la nation!" A Buea, en zone anglophone camerounaise, Mohamed Saulu Muha, venu participer à un meeting de soutien au président Paul Biya, qui brigue dimanche un septième mandat, n'a "pas peur" des séparatistes.

Depuis fin 2017, ces derniers combattent sans relâche l'armée régulière dans les deux régions anglophones du Cameroun, le Sud-Ouest et le Nord-Ouest.

Mohammed, 35 ans, venu de Limbe, une cité balnéaire non loin de Buea, fait partie des quelques centaines de militants du parti au pouvoir, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), qui mobilisés dans la région pour soutenir leur candidat dans la capitale du Sud-Ouest.

Le défi était de taille: tous les jours dans la ville, des tirs se font entendre. Des combats ont régulièrement lieu à quelques kilomètres de Buea, quand ce n'est pas dans ses faubourgs.

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Dans les deux régions anglophones, des séparatistes armés combattent au quotidien, obligeant des centaines de milliers de personnes à fuir de chez elles.

"Tout va bien", déclare pourtant Mohamed, qui porte un foulard aux couleurs bleues et blanches du président Paul Biya, 85 ans, dont 35 au pouvoir.

"Il n'y a pas de problème" de sécurité pour le meeting, assure Aboubakar Yacoubu, un commissaire de police. "Ceux qui sont liés aux séparatistes ont fui".

Un important dispositif a été déployé à Buea mercredi pour assurer la sécurité du meeting et des officiels.

Un couvre-feu avait été mis en place dimanche et lundi à Buea, comme dans la plupart des autres villes du Cameroun anglophone, pour prévenir des attaques séparatistes lundi, un an après la déclaration symbolique d'indépendance du 1er octobre 2017.

Depuis le début du conflit, plus de 170 membres des forces de sécurité et plus de 400 civils ont été tués, selon les ONG.

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Aucun candidat à l'élection présidentielle ne s'est pour l'heure rendu en campagne à Buea ou à Bamenda, les deux capitales régionales qui sont régulièrement le théâtre d'affrontements.

M. Biya avait été annoncé à Buea en milieu de semaine pour une visite officielle mais il n'est pas encore venu.

A part un meeting samedi à Maroua, la capitale de la région de l'Extrême-Nord, endeuillée depuis cinq ans par les assauts répétés des jihadistes de Boko Haram, il n'a fait aucune apparition publique.

Ses soutiens - ministres et hauts dignitaires du parti en tête - ont fait campagne pour lui, allant débattre avec les autres candidats à la télévision et organisant des meetings dans tout le pays, comme celui de mercredi à Buea.

Le maillage territorial du RDPC et les importantes ressources financières mobilisées ont permis une campagne d'affichage massive. Partout, des affiches portant son slogan, "La force de l'expérience", ont été collées.

Celles des partis d'opposition sont plus rares.

Coups de feu

Lundi, des coups de feu ont encore été entendus dans plusieurs endroits de Buea.

"Les habitants de Buea soutiennent Biya!", assure Dimitri Assoa, un autre militant.

D'autres habitants, interrogés par l'AFP mais non présents au meeting pro-Biya, ont en revanche largement fait état d'une situation tendue entre les autorités et la population.

La plupart des militants présents dans la tribune officielle étaient des francophones arrivés à Buea en minibus immatriculés dans d'autres régions.

Les séparatistes "intimident les gens avec des armes à feu", pense Dimitri, qui estime que les forces de sécurité camerounaises engagées dans le conflit ne se livrent pas à de telles pratiques.

Des exactions commises par les forces armées camerounaises comme par les séparatistes ont été rapportées depuis plusieurs mois dans les médias et par des ONG.

A quelques kilomètres du meeting, un camion et une voiture brûlés attendaient d'être enlevés, sur un bas-côté de la route.

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Selon des habitants, ces véhicules ont été attaqués il y a plus d'une semaine, mais les riverains sont divisés sur les auteurs de l'attaque.

"C'était les Ambazoniens", veut croire un chauffeur, désignant les séparatistes, qui veulent créer un Etat baptisé "Ambazonie".

"Nous ne savons pas, mais il y a eu des coups de feu", rétorque une jeune fille.

Au moins cinq douilles de balles étaient toujours au sol, à côté des carcasses abandonnées, dans ce quartier désormais silencieux, Mile-15.

Devant la tribune officielle, on veut se réjouir de la tenue d'un meeting à Buea.

"La campagne va se tenir dans toutes les subdivisions de notre région", affirme Gladys Etombi, députée locale du parti au pouvoir.

"La sécurité vient de Dieu", ajoute-t-elle, estimant que son candidat, Paul Biya, sera largement vainqueur. Même dans les régions anglophones.

Avec AFP